Harris sur une bonne dynamique pour battre Trump….. Par Reed Galen
WASHINGTON, DC – La politique américaine au cours du mois qui vient de s’écouler fera sans aucun doute l’objet d’ouvrages entiers. En l’espace de seulement quatre semaines, la course à la présidence des États-Unis a été bouleversée, renversée, et les cartes rebattues. À désormais près de 100 jours de l’élection, les Américains entament la dernière ligne droite de cette course.
Dès le début de la campagne, la principale inquiétude des électeurs concernant le président Joe Biden résidait dans son âge. Président américain le plus âgé jamais élu à la tête du pays, Biden atteindrait 86 ans à la fin d’un deuxième mandat de quatre ans. Dans les sondages à la fois nationaux et réalisés dans les États pivots, les électeurs exprimaient de sérieux doutes quant à la capacité de Biden à faire preuve de l’acuité mentale nécessaire pour diriger les États-Unis à un âge aussi avancé.
La performance désastreuse de Biden lors du débat du 27 juin a semblé confirmer les inquiétudes des électeurs. Sa cote de popularité a en effet significativement diminué, pas de manière catastrophique pour autant, et cela uniquement grâce à l’impopularité profonde de son adversaire Donald Trump. Si Trump avait été un candidat même légèrement plus « normal », le soutien des électeurs à son égard aurait pu être considérablement plus important.
Dans les semaines qui ont suivi, alors que Biden, sa famille et son cercle restreint se débattaient avec la question de savoir s’il devait se retirer de la course, Trump s’est fait discret, passant plus de temps sur les terrains de golf qu’au contact du public. C’est lorsqu’il est réapparu le 13 juillet, à l’occasion d’un rassemblement de campagne en Pennsylvanie, que la saga électorale américaine est devenue plus dramatique : pendant que Trump prononçait son discours, des coups de feu ont retenti, et le projectile d’un aspirant assassin est venu lui effleurer l’oreille.
Même après la fusillade – que Trump a transformée en une photographie opportuniste de lui-même, le poing dressé devant la foule, la joue tachée de sang – le soutien à son égard n’a pas grimpé en flèche. Trump n’a pas non plus réellement gagné en dynamique après la Convention nationale des Républicains à Milwaukee, durant laquelle il a officiellement accepté sa nomination en tant que candidat présidentiel du bon vieux parti, dans un discours décousu, incohérent et clivant, qui a contredit les appels du candidat à « l’unité » face à la violence politique.
Comment expliquer que tout ce feuilleton n’ait pas fini de convaincre les électeurs indépendants, indécis ou anti-Trump ? Pour faire court, la plupart des Américains n’ont été emballés ni par l’un, ni par l’autre des candidats. Biden est âgé, mais à 78 ans Trump n’est pas beaucoup plus jeune, lui qui se révèle par ailleurs chaotique, corrompu, irrationnel, et susceptible de mettre en œuvre des politiques peu soutenues en dehors de son électorat extrémiste étroit.
Les Démocrates ont également commis plusieurs erreurs stratégiques importantes. Pendant que Biden délibérait sur la question de savoir s’il devait rester dans la course, son équipe de campagne et l’ensemble de l’appareil politique démocrate auraient dû faire valoir leurs arguments contre Trump et son colistier nouvellement annoncé, J.D. Vance, soutenu par le Kremlin. Au lieu de cela, les Démocrates sont restés dans l’immobilisme et l’attentisme, ce qui n’est pas une première de leur part.
En effet, au cours de mes cinq années de travail environ aux côtés de l’appareil du Parti démocrate, j’ai pu constater directement comment l’hésitation ou l’incapacité à agir rapidement et de manière décisive ont conduit à une dépendance excessive du parti à des facteurs externes pour renforcer sa position. C’est ce qu’illustre notamment Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, la décision de la Cour suprême de 2022 annulant Roe v. Wade, jugement de 1973 ayant établi un droit constitutionnel à l’avortement. Les Démocrates auraient pu ancrer dans le marbre l’arrêt Roe v. Wade en 2009, au moyen d’une loi fédérale, lorsqu’ils contrôlaient la Maison-Blanche et les deux chambres du Congrès. Or, le président Barack Obama a décidé que les droits relatifs à l’avortement ne constituaient pas une priorité majeure.
Ainsi ne devrions-nous sans doute pas être surpris que si peu de choses aient eu lieu du côté des Démocrates entre le désastre du débat de juin et l’annonce de l’équipe de campagne de Biden, près d’un mois plus tard, selon laquelle il renonçait à l’investiture démocrate, pour soutenir la vice-présidente Kamala Harris. Ce qui s’annonçait encore récemment comme un match retour entre deux candidats âgés et impopulaires est alors devenu un affrontement captivant pour l’avenir des États-Unis.
Le XXIe siècle a connu de nombreuses « premières » dans la politique américaine : le premier président afro-américain, suivi du premier président aspirant autoritaire, la première élection organisée durant une pandémie mondiale, et désormais la première fois que le candidat d’un des deux grands partis se retire de la course après avoir remporté les primaires.
Un autre événement inédit pourrait avoir lieu prochainement : si Harris l’emporte, elle deviendra la première femme à la tête des États-Unis. Cette perspective s’est d’ailleurs révélée stimulante : en un peu plus de 24 heures, les donateurs ont déboursé un montant record de 81 millions $ en soutien à la campagne de Kamala Harris, et les premières apparitions de la candidate ont été accueillies par des foules très enthousiastes. De ses dirigeants jusqu’à ses donateurs, le Parti démocrate a fait ce qu’il fallait, exprimant un soutien sans réserve à sa nouvelle candidate.
La réponse de l’équipe Trump était largement prévisible. Le candidat républicain a fait valoir qu’un remboursement devait lui être versé pour les millions de dollars dépensés durant sa campagne contre Biden, et déclaré que la nomination de Kamala Harris équivalait à un « coup d’État ». Plusieurs membres républicains du Congrès ont qualifié Harris de candidate « DEI » (diversité, équité et inclusion), suggérant qu’elle avait été choisie pour son identité plutôt que pour son parcours. Le Parti républicain s’attaque à Harris par tous les moyens, mais jusqu’à présent aucun coup n’affecte la candidate.
Au cours des 100 prochains jours, le contraste entre les deux candidats continuera de se préciser. Face à la jeune et énergique Harris, le quasi-octogénaire Trump paraîtra encore plus décrépit. Les vents propulseront Harris, pendant que le manque d’adhésion continuera de tirer Trump vers le bas. La candidate formulera, espérons-le, des arguments clairs, puissants et enthousiastes en cette nouvelle ère politique post-baby-boom, tandis que Trump, incompétent et rétrograde, continuera de s’appuyer sur un discours odieux et sur la tactique de la peur.
Comme le disait le disparu président George H.W. Bush, en politique, il faut parier sur l’équipe qui bénéficie du « Big Mo » (le « momentum »). C’est actuellement l’équipe Harris qui jouit de cette dynamique. Si elle parvient à capitaliser sur cet élan, à élever jusqu’à son paroxysme l’engouement autour de sa campagne, elle pourrait bien infliger à Trump et au Parti républicain une défaite cuisante.
Reed Galen, auteur de The Home Front sur Substack, est président de JoinTheUnion.us, une coalition engagée pour la défense de la démocratie et la lutte contre les candidats autoritaires.
Copyright: Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org