Céréales: malgré les frappes sur Odessa, l’Ukraine continue de préparer ses ports

L’accord sur les exportations de céréales peut-il tenir bon après les tirs sur le port d’Odessa ? Si Kiev fustige un dialogue impossible avec Moscou, les Russes disent avoir visé une cible militaire sans rapport avec le blé. Et sur place, les autorités locales continuent de préparer ses ports aux futures importations.

Malgré les dommages dans le port d’Odessa, le ministre ukrainien des Infrastructures confirme que les exportations de blés restent envisageables. Les frappes de samedi 23 juillet, au lendemain de l’accord d’Istanbul, n’ont techniquement pas remis en cause la reprise des exportations depuis le principal port ukrainien sur la mer Noire, selon les autorités locales.

Pourtant, samedi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié l’attaque de « cynique et barbare », estimant qu’elle constituait un coup porté aux positions politiques de la Russie elle-même, rapporte notre correspondant à Kiev, Stéphane Siohan. En filigrane, le chef de l’État ukrainien entendait s’adresser à tous ceux qui croient qu’un dialogue avec la Russie est possible et qu’un accord avec Moscou est nécessaire. « Regardez ce qui se passe », a-t-il fermement déclaré.

La méfiance des militaires ukrainiens

Les dégâts sont relativement limités, mais ils restent toutefois suffisamment conséquents pour que la sécurité du commerce ne soit pas encore assurée, comme le confirme Natalya Humenyuk, porte-parole de l’armée à Odessa. « Qui dit qu’on va pouvoir reprendre les exports demain ? Personne n’a parlé de demain. Le mécanisme n’a pas encore été élaboré. Nous ne savons pas encore comment l’accord va être mis en place », a-t-il expliqué

À Kiev, le ministère des Infrastructures met déjà en place les futurs convois routiers de céréales qui rejoindront les ports de la Mer noire, mais les militaires sont quant à eux beaucoup plus méfiants, sur la possibilité de mettre en place l’accord d’Istanbul. « Cet accord est un projet assez risqué, car un des signataires est une partie indigne de confiance. Qui à ce stade peut garantir de manière globale que l’ennemi ne trouve pas des petites failles dans l’accord afin de pouvoir encore lancer des missiles ? Qui peut le garantir ? », s’interroge Natalya Humenyuk.

Dimanche, un conseiller économique du président Volodymyr Zelensky a déclaré que si les bombardements russes continuaient, il ne faudrait non pas huit ou neuf mois pour exporter le blé ukrainien, mais plutôt de 20 à 24 mois.

Moscou affirme avoir frappé des cibles militaires

Le New York Times cite cependant dimanche une source anonyme au sein des Nations unies qui estime que la Russie pourrait ne pas avoir violé techniquement l’accord d’Istanbul si jamais elle s’était bornée à viser le port d’Odessa, et non les céréales elle-même. Mais il est encore difficile de savoir réellement si les frappes russes ont touché ou non des silos à grain. La situation reste floue.

Samedi, les Ukrainiens affirmaient que les missiles avaient touchés des silos, mais les Russes niaient cette attaque. Ce dimanche matin, changement de cap pour le Kremlin, qui explique finalement avoir touché un navire militaire ukrainien dans le port, mais aucun entrepôt de céréales. « Des missiles Kalibr ont détruit des infrastructures militaires du port d’Odessa, avec une frappe de haute précision », a écrit la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur son compte Telegram.

Du côté de la Turquie, dont le président Recep Tayyip Erdoğan avait fait part de sa « fierté d’avoir été utile à la résolution de la crise alimentaire mondiale », on se demande aujourd’hui si elle n’a pas crié victoire trop tôt, explique notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer. Le ministre de la Défense, Hulusi Akar, qui a signé l’accord au nom de son pays, a été le premier à réagir aux tirs de missile sur le port d’Odessa. Il s’est dit « inquiet » et « contrarié » par ces frappes survenues au lendemain de l’accord, ajoutant s’être entretenu à ce sujet avec son homologue ukrainien et avec des officiels russes qu’il n’a pas nommés. Ces derniers, selon lui, auraient « nié catégoriquement tout lien avec l’attaque ».

Le ministre turc a précisé que son pays continuait de « se coordonner » avec Kiev et Moscou. Il a annoncé que le centre de coordination basé à Istanbul, censé garantir la sécurité des corridors céréaliers, avait commencé son travail, en présence de représentants russes et ukrainiens.

Pendant ce temps, les autorités locales focalisent leurs efforts sur deux autres ports au nord et au sud de la ville, à Tchornomorsk et Yuzhne. Ces deux ports serviront également à exporter toutes les marchandises ukrainiennes. De là, les bateaux partiront en convois jusqu’à la Turquie, par des routes sûres et surveillées par tous les signataires de l’accord.

Maintenant, reste à savoir comment pourra se mettre en place. Le transfert des milliers de tonnes de céréales, avec l’épée de Damoclès des missiles russes.

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