Révision de l’ordonnance sur les partis politiques : Volonté de rénover ou stratagème pour asséner le coup de grâce aux partis d’opposition ?
Alors que les partis politiques peuvent être déclarés, pour une majorité d’entre eux, cliniquement morts, la nouvelle loi introduisant de nouvelles conditionnalités présentée par le ministre de l’intérieur semble sonner le glas pour des partis déjà moribonds.
Pour le ministre de l’intérieur, le projet des réformes apportées à l’ordonnance n° 91-024 du 25 juillet 1991, portant sur les règles de création, de fonctionnement et de dissolution des partis politiques, vise à «favoriser l’émergence de partis politiques capables d’accomplir leurs missions de manière convenable ». Mais force est de constater que les réformes proposées souffrent d’une première critique. La première et non des moindres, en effet, est que ces réformes n’auraient fait l’objet d’aucune concertation avec les partis politiques. Elles sont d’ailleurs perçues comme visant à assener le coup de grâce à des formations politiques de l’opposition traditionnelle qui d’ailleurs n’est plus que l’ombre d’elle-même. C’est peut-être bien là le signe d’une fin de cycle pour des partis qui souvent se sont confondus avec une personne. Mais ce sentiment n’est pas partagé par tous les chefs de partis. Pour le président du parti Islah, Me Mohamed Ould Talebna, le projet est la bienvenue et consacre une révision indispensable du cadre jurique avec les enseignements de 30 ans de pratique de l’ancien texte.
Une loi contre les partis cartables ?!
Les motivations du ministère de l’intérieur sont pourtant s’expliquent pourtant si l’on en juge par la facilité de créer des partis cartables qui, très souvent, constituent des cartes de visite pour une personne en particulier. Le ministère tente de freiner cette propension à créer des partis cartables en poussant l’augmentation des membres de l’assemblée constitutive de 20 à 150 adhérents au minimum représentant toutes les wilayas. Il y a aussi l’exigence de parrainage du programme du parti par 5000 citoyens dont au moins 20% devraient être des femmes ; la signature de la demande d’agrément par 15 personnes dont 5 femmes. L’âge des membres fondateurs a été également revu à la baisse (25 à 20 ans).
Réforme abattoir ?
Mais à trop vouloir innover, le ministère semble s’impliquer dans la vie intérieure des partis en exigeant le renouvellement des membres des organes dirigeants (1/3) à l’issue de chaque congrès. Il s’attaque aussi à un avantage acquis avec la proposition de réviser à la hausse le taux minimum permettant aux partis de prétendre au financement public. Au lieu de 1%, les partis doivent enregistrer un score électoral de 2% pour y accéder. Ce qui laisse dire par certains observateurs que la réforme est faire sur mesure du parti «Al Insaf » au pouvoir.
De plus, les prérogatives accordées au ministre de tutelle de dissoudre par un acte administratif un parti –et non suite à une décision de justice- risque d’être liberticide pour les partis politiques.
La première réaction de dénonciation est venue des FPC qui évoquent une « manœuvre qui vise surtout à faire barrage aux partis suffisamment représentatifs et ancrés dans l’opposition ». Les FPC qui disent s’accrocher à l’ordonnance de juillet 1991 appellent, « en solidarité, en solidarité, les formations politiques, la Société civile et les personnalités indépendantes progressistes à dénoncer ce projet et à s’en démarquer ». Le processus semble en tout cas enclenché mais risquerait de faire beaucoup parler de lui. Ce qui sortirait la scène politique de la torpeur dans laquelle elle était plongée depuis l’élection présidentielle dernière.
JD