Que peut-on attendre de la rencontre du président de la république avec la jeunesse : tournant stratégique ou simple manœuvre politique ?

Ce 22 novembre, à la veille de l’anniversaire de l’indépendance nationale, le président de la république s’adresse à la jeunesse mauritanienne, dans un contexte national chargé de symboles mais aussi de tensions .
Cette rencontre intervient après une tournée dans le Hodh Charghi, marquée par des discours tranchés contre le tribalisme, le régionalisme et le racisme — trois fléaux structurels qui ont longtemps fragmenté le tissu social du pays.

Un signal fort dans un contexte difficile
À première vue, cette rencontre peut apparaître comme un signal politique fort, une tentative de réorienter le discours présidentiel vers l’unité nationale et l’avenir. La jeunesse, souvent déçue, marginalisée et peu représentée, est aujourd’hui appelée à écouter — peut-être à participer — alors que le pays affronte des défis majeurs :
-Défis politiques :
– Faiblesse des partis politiques
et méfiance croissante envers les structures traditionnelles -tensions communautaires.
Défis économiques : Chômage massif des jeunes, inflation, inégalités criantes entre wilayas et classes sociales.
Défis sécuritaires:
– Menaces transfrontalières, fragilité du Sahel, insécurité dans les zones rurales.
Défis sociaux :
Cohésion nationale fragilisée, pesanteurs héritées de l’a pauvreté , disparités d’accès aux services publics.

Une volonté de réforme ?
Le discours contre les divisions identitaires peut marquer un tournant si — et seulement si — il s’inscrit dans une volonté politique cohérente et suivie d’actes. La jeunesse attend des mesures concrètes : réformes du système éducatif, accès à l’emploi, à ,égalité des chances, lutte réelle contre le favoritisme et la marginalisation ,droit à la sécurité et à la prospérité.
Or, une ambiguïté persiste : le président s’appuie encore largement sur des figures accusées d’avoir perpétué les dérives qu’il dénonce aujourd’hui. Cela soulève des interrogations sur la sincérité du changement annoncé. Peut-on déconstruire un système en conservant ses piliers ? La rupture est-elle possible sans renouvellement réel de la classe politique et administrative ?

Éveil national ou manœuvre politique ?
Certains observateurs y voient une manœuvre de communication visant à apaiser les frustrations montantes à l’approche de l’élection présidentielle de 2029 . D’autres estiment au contraire que le président cherche à poser les jalons d’une nouvelle politique fondée sur une rhétorique d’unité et de réforme.
Pour être crédible, cette orientation nouvelle devra se traduire par :
Des actions fortes contre l’impunité et la corruption ;
La mise en place d’un véritable plan jeunesse, avec budgets dédiés et mécanismes de suivi ;
Une réforme de l’administration publique, garantissant équité et compétence.
De tout ce qui précède ,on peut dire que la rencontre de ce soir du president de la république avec la jeunesse, en soi, est une opportunité politique. Elle pourrait marquer le début d’une nouvelle ère, si elle s’accompagne de gestes forts et durables.
À défaut, elle ne serait qu’un moment de plus dans la longue tradition des discours…

Nouakchott le 22 novembre 2025

SEYID OULD ELGHEYLANI