Rapport Banque Mondiale 2025 : La Mauritanie à la croisée des chemins entre réformes sociales et diversification économique

Alors que la croissance ralentit à 5,2 % en 2024, le pays doit accélérer la transformation de son modèle économique et renforcer sa protection sociale pour viser le statut de pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2050.
La dernière édition du Rapport sur la situation économique 2025 de la Banque mondiale pour la Mauritanie dresse un tableau contrasté de l’économie nationale. Selon le rapport, la croissance a connu un ralentissement en 2024, s’établissant à 5,2 % (soit 2,2 % par habitant), contre 6,4 % (3,4 % par habitant) en 2023. Cette décélération est principalement imputable à un double phénomène : une baisse de la production dans le secteur extractif et un fléchissement de la consommation publique.
Malgré ce ralentissement, les fondamentaux macroéconomiques continuent de se renforcer, portés par une politique monétaire stricte, la baisse des prix mondiaux des denrées alimentaires et de l’énergie, et une gestion budgétaire prudente. Ce contexte offre une fenêtre d’opportunité pour mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires à une transformation profonde de l’économie.
Le défi de la diversification : une urgence pour une croissance inclusive
Le rapport de la Banque mondiale est sans équivoque : le modèle de croissance historique, largement tributaire des industries extractives, a épuisé sa capacité à générer un développement inclusif. Son impact reste limité pour une grande partie de la population, en particulier les femmes et les jeunes.
Pour atteindre son ambition de devenir un pays à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2050, la Mauritanie doit accélérer la diversification de son économie. Le rapport identifie un potentiel significatif dans des secteurs complémentaires aux industries extractives, tels que :
-L’agriculture et les pêches : Transformer les terres agricoles en chaînes agroalimentaires modernes;
-L’énergie renouvelable : Convertir l’abondance solaire en une source d’énergie compétitive ;
-Le numérique : Développer des services à haute valeur ajoutée grâce à une connectivité améliorée.
Pour libérer ce potentiel, la Banque mondiale propose une feuille de route articulée autour de trois leviers clés :
-Le renforcement du capital humain et des infrastructures ;
-L’amélioration du cadre réglementaire ;
-La promotion d’un secteur privé dynamique et compétitif.
Tekavoul et au-delà : réformer la protection sociale pour renforcer la résilience
La transformation économique ne peut être dissociée d’une profonde réforme des filets de sécurité sociale. Le rapport 2025 souligne les avancées majeures accomplies par la Mauritanie dans ce domaine, notamment la transition des subventions généralisées vers des programmes de transferts monétaires ciblés, comme l’initiative Tekavoul.
Ce programme, qui se distingue par son efficacité, a montré un impact positif sur la réduction de la pauvreté et des inégalités. Le déploiement du registre social national, désormais couvrant l’ensemble du territoire, permet une identification et un ciblage plus efficaces des ménages vulnérables.
Cependant, l’impact de ces programmes reste limité par le faible niveau des prestations. Le rapport recommande donc :
-Une augmentation progressive et durable des montants alloués ;
-Un affinement continu des mécanismes de ciblage ;
-La mise à jour régulière du registre social ;
-Une meilleure coordination institutionnelle via une plateforme nationale.
L’objectif est de construire un système de protection sociale plus adaptatif et résilient, capable de protéger les populations contre les chocs économiques et climatiques.
Perspectives et risques : une trajectoire favorable sous conditions
Les perspectives à moyen terme restent favorables, avec une croissance projetée à une moyenne de 4,9 % entre 2025 et 2027 . L’arrivée des premières recettes d’exportation du projet de gaz Grand Tortue Ahmeyim, prévue fin 2024, devrait soutenir cette dynamique. Ce projet est estimé générer environ 500 millions de dollars de recettes annuelles sur la période 2024-2051.
Cependant, cette trajectoire est exposée à plusieurs risques majeurs :
-La volatilité des prix des matières premières, notamment du minerai de fer ;
-Les retards potentiels dans le lancement du projet gazier ;
-Les tensions sécuritaires dans la région du Sahel ;
-Les effets du changement climatique ;
Le Rapport sur la situation économique 2025 de la Banque mondiale offre plus qu’un simple diagnostic ; il propose une feuille de route pour l’action. Il souligne que la clé du succès réside dans la mobilisation collective – gouvernement, secteur privé et partenaires au développement – pour accélérer le rythme des réformes.
Comme l’a déclaré le Premier ministre mauritanien, M. Moctar Djay, la vision est claire : « construire une économie mauritanienne plus diversifiée, plus inclusive et plus résiliente » . En investissant les revenus de ses ressources naturelles dans le capital humain, les infrastructures et la diversification productive, la Mauritanie peut transformer ses atouts économiques en opportunités durables et partagées pour l’ensemble de sa population.
M.K