S. Lavrov à Nouakchott: Entre deux feux, la Mauritanie « assume sa neutralité » !

Mohamed Salem Ould Merzough a tout fait pour impulser une détente de l’atmosphère de visite « gênante » de Sergei Lavrov dans notre pays. Mais les circonstances et les alliances enveloppaient visiblement de leur lourd manteau la première visite d’un chef de la diplomatie russe dans notre pays. C’est un peu aussi le revers de la médaille quand on tente de jouer dans la Cour des Grands.

Discours exagérément mesuré avec l’appui d’un aide-mémoire entre les mains, doublé d’un style télégraphique, Ould Merzough ne voulait pas donner l’ombre à une éventuelle interprétation désobligeante ni pour son hôte, encore moins pour « ceux » qui le suivaient de loin. Malgré son visage renfermé, Ould Merzough, entre le marteau et l’enclume, a presque réussi le pari d’imposer la perception d’une neutralité «assumée » du gouvernement mauritanien face au clivage Est-Ouest.

Un hôte poids lourd !

Au-delà de la coïncidence de cette visite avec la célébration prochaine des 60 ans de relations diplomatiques entre les deux pays, l’arrivée à Nouakchott de Serguei Lavrov dont le pays accapare l’actualité internationale en Europe (Ukraine) et en Afrique (Wagner en Afrique de l’Ouest), est loin d’être un fait anodin. Elle intervient après une autre visite similaire –première du genre- du président du Conseil de l’Europe, en novembre 2022 et surtout de l’accueil remarquable du Sg de l’Otan, en janvier 2021, à la visite du président Ghazouani au cœur de l’Otan. Et c’est sans doute cette posture entre deux puissances de feu qui indispose. Mais à quelque chose « équilibrisme » est bon. La Mauritanie, naguère souvent ignorée sur les questions de géopolitiques internationales, se redécouvre subitement un rôle important sur l’échiquier international. Les visites et la coopération tous azimuts avec les différents «belligérants» du nouvel ordre mondial s’intensifient. Mais encore faudrait-il que le gouvernement en tire le maximum de dividendes avant leur tarissement. C’est ce que donne l’impression de faire notre chef de la diplomatie, Mohamed Salem Ould Marzough, en cherchant à ménager la chèvre et le chou et il ne tarissait pas d’éloges sur la coopération bilatérale. Il a, cependant, rappeler que la conviction du gouvernement mauritanien est que le monde affecté par la guerre en Ukraine éprouvait «la nécessité de trouver une solution rapide », en privilégiant le «dialogue pour lui épargner plus de tragédies humaines ». Merzough, tout en rappelant la primauté du droit international dans la gestion des relations au sein de la Communauté internationale, a encore souligné que les Peuples africains qui pâtissent déjà de l’impact de la guerre (problèmes d’approvisionnement), auraient aussi «des appréhensions quant au risque de son embrasement et de son extension».

Un nouvel ordre mondial plus équitable (Lavrov)

Même s’il sait ne pas être en territoire acquis à son invasion en Ukraine et que les milices «Wagner » à la frontière du pays ne rassurent pas les autorités mauritaniennes, le Chef de la diplomatie russe espère voir la Mauritanie, en même temps que d’autres Etats africains, servir de soutien politique à son pays face à la tentative d’isolement que chercheraient à lui imposer les Etats-Unis et les autres pays de l’Otan. «Avec d’autres partenaires comme la Chine, nous sommes contre l’hégémonie que l’Occident veut nous imposer » rappelant que son pays est jaloux de l’égale souveraineté des Etats qui forment la Communauté internationale et qu’ils sont favorables à des conventions internationales plus équilibrées. «Nous sommes prêts à aider la Mauritanie pour ses besoins énergétiques et alimentaires » souligne Lavrov comme pour répondre aux inquiétudes formulées par Ould Merzough, sans jamais évoqué l’accord militaire signé entre les deux pays ; encore moins celui qui fait de notre pays le seul partenaire militaire de l’Otan dans la sous-région. Mieux, le diplomate russe cajole la neutralité de la Mauritanie qui pourrait, dit-il, jouer un rôle clé dans la résolution des crises en Afrique. A-t-il voulu parler du Mali, du Burkina, pays du G5 Sahel, et en Centrafrique où la présence officielle des russes se confond avec celle de «Wagner » ?
Lavrov évoquera, par ailleurs, la coopération notamment dans le secteur de la pêche et révèlera que son pays a décidé d’octroyer 40 bourses supplémentaires aux étudiants mauritaniens et qu’une mission médicale se déplacera à Nouakchott dans les prochains jours avant d’ajouter que le président Ghazouani l’a assuré de sa participation au prochain sommet entre la Russie et l’Afrique. Enfin il dit avoir invité son homologue mauritanien à une visite en Russie pour échanger sur tous les aspects de la coopération bilatérale.
JD

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Back to top button