L’orpaillage et son besoin de réglementation : plus de normes, moins de mercure !

À la mi-juin se tiendra à Dakar, la Conférence mondiale de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives 2023. Parmi tous les sujets abordés, l’exploitation minière artisanale ou orpaillage sera abordée.

Si l’orpaillage illégal est une pratique courante qui offre de nombreux emplois dans la sous-région, elle comporte également de nombreux risques pour la santé et l’environnement et la Mauritanie n’est pas épargnée par ce dilemme.

Selon une étude publiée en 2017 et menée conjointement par l’institut fédéral allemand de géoscience (BGR) et l’agence de développement allemande (GIZ), les orpailleurs constituent en Mauritanie le premier facteur de risque environnemental. Le forum intergouvernemental sur l’exploitation minière (IGF) avait d’ailleurs souligné en 2017 l’existence d’un déséquilibre entre les normes internationales auxquelles sont soumis les géants miniers du pays et les orpailleurs qui ont des standards environnementaux jugés très bas (1).

L’intoxication au mercure, une « épidémie invisible »

L’utilisation du mercure dans l’orpaillage artisanal présente des risques majeurs pour la santé humaine et l’écosystème. Des chercheurs britanniques ont qualifié l’intoxication au mercure d’ « épidémie invisible » (2). Lorsque le mercure est utilisé pour extraire l’or, il forme un amalgame avec le métal précieux, qui est ensuite chauffé pour évaporer le mercure. Cette méthode rudimentaire libère du mercure dans l’air, l’eau et les sols, entraînant une pollution massive.

Cette technique expose les mineurs, ainsi que les populations environnantes, à des vapeurs de mercure hautement toxiques, qui peuvent avoir des effets néfastes sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire. Le mercure est d’ailleurs considéré par l’OMS comme l’un des « dix produits chimiques gravement préoccupants pour la santé publique ».

L’inhalation de vapeurs de mercure peut entraîner des dommages graves pour la santé. Ceux-ci sont d’autant plus graves en cas d’exposition à long terme. Les mineurs exposés à ces vapeurs développent souvent des problèmes respiratoires, des troubles neurologiques, des problèmes rénaux, et des anomalies du système nerveux central. Le mercure peut également s’accumuler dans les tissus des poissons et autres animaux aquatiques, ce qui présente un risque indirect pour les populations qui dépendent de ces ressources alimentaires.
Dans les régions du nord du pays, riches en gisement aurifères, les orpailleurs ont recours à ces techniques artisanales qui impliquent l’utilisation du mercure sans mesures de protection adéquates.

Des effets des contaminations irréversibles sur les populations

Depuis les années 1980-90, l’utilisation du mercure dans les activités d’orpaillage illégal s’est fortement développée. Utilisé par les orpailleurs dans moins 70 pays, on compte désormais 13 à 15 millions d’artisans mineurs risquant d’être directement exposés au mercure. Les travailleurs utilisent souvent le mercure sans équipement de protection individuelle adéquat, tels que des gants et des masques, exposant ainsi leurs corps à des niveaux élevés de mercure.
Les victimes de ces pratiques sont également indirectes : familles des orpailleurs ou communautés avoisinantes des sites d’extraction. Et les plus vulnérables ne sont pas abrités : le mercure peut ainsi être transmis de la mère à l’enfant pendant la grossesse ou par le lait maternel, il est donc nocif pour les fœtus et les nourrissons.

Outre les risques pour la santé humaine, l’utilisation du mercure dans l’orpaillage illégal a des conséquences dévastatrices sur l’environnement. Lorsque le mercure est utilisé, il se transforme en méthylmercure, une substance qui s’accumule dans les tissus des poissons et autres animaux, contaminant ainsi la chaîne alimentaire. En s’évaporant, le mercure se propage dans l’air, contaminant l’atmosphère et retombant sur les sols et les cours d’eau. Cette pollution a un effet néfaste sur la biodiversité, les écosystèmes aquatiques et les terres agricoles, compromettant ainsi la sécurité alimentaire des communautés locales. En outre, le méthylmercure ingéré via l’alimentation pose un véritable problème de santé publique, notamment chez les femmes enceintes et les jeunes enfants.

La politique de santé, une réponse insuffisante ?

Face à ces risques sanitaires, le gouvernement commence à prendre des mesures pour lutter pour réduire l’utilisation du mercure. Des campagnes de sensibilisation ont été menées pour informer les communautés des risques associés à cette pratique et pour promouvoir des méthodes d’extraction plus respectueuses de l’environnement. Néanmoins, beaucoup de travail reste encore à mener pour protéger les travailleurs, les populations, leur environnement et le bétail.
Il est impératif qu’une réglementation stricte soit mise en place pour mettre fin à ces pratiques nocives d’extraction minière dans l’orpaillage qui mettent en danger le collectif.

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1-Evaluation du cadre directif pour l’exploitation minière – Mauritanie, Forum intergouvernemental sur l’exploitation minière (IGF), Août 2017
2-Samuel J. Spiegel, « Occupational Health, Mercury Exposure, and Environmental Justice: Learning from Experiences in Tanzania », American Journal of Public Health, vol. 99, supplement 3, (2009), pp. 550-558

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