G5Sahel : Que cherche le président Mohamed Bozoum ?
Revigoré par le repli tactique des forces occidentales vers le Niger, après le retrait du Mali, le président nigérien, Mohamed Bozoum, multiplie les déclarations «désobligeantes » sur le Sahel. Des déclarations qui, en apparences, tentent de miner de l’intérieur le noyau qui reste.
“Le G5 Sahel n’a jamais bien fonctionné”. « Le Sahel a du plomb dans l’aile ». Ces déclarations du président nigérien, pour assassines qu’elles sont, ne sont pas du registre de « confidences indiscrètes » de Bazoum sur son sentiment par rapport à la situation au G5Sahel. Elles ne peuvent, non plus, être juste une perception d’un président novice ; Bazoum élu président du Niger en 2021, justifie d’une longue expérience au gouvernement de son pays. Non ! Il s’agit bien de déclarations faites à des journalistes. L’objectif prémédité est de porter loin le sentiment du président nigérien sur le Sahel déjà bien ébranlé par l’instabilité dans certains pays qui le composent et notamment la sortie fracassante, la mi-mai 2022, du Mali suivie en octobre de la même année du coup de force de Ibrahima Traoré contre la transition engagée au Burkina Faso.
Alors que cherche aujourd’hui le président Bazoum en s’attaquant au noyau restant du G5Sahel? La question mérite d’être posée car même s’il se contente de dresser son constat de la situation qui prévaudrait, le président nigérien n’apporte pas de propositions à la «sclérose» organisationnelle qu’il pointe du doigt. Le scepticisme du président nigérien parait trouble au moment où l’organisation se recherche encore alors qu’il savait pertinemment qu’elle avait été créée en 2014 à Nouakchott avec le soutien des bailleurs y compris celui de la France. Le président Youssoufou du Niger s’y était aussi engagé. Ce nouveau procès coïncide avec la fin du pacte signé en 2018 par le G5Sahel avec l’Onu et l’Union Européenne ; et par conséquent, la recherche d’un nouveau pacte d’équilibre. Et si le président nigérien était tenté comme il semble le susciter par délocaliser et l’attention et le siège de l’organisation, se trouvant aujourd’hui à Nouakchott, vers son pays, devenu par la force des bouleversements terroristes dans la région des trois frontières, le centre névralgique de l’activité de la nébuleuse terroriste. Le Niger, avec le Mali et le Burkina forment cette région bouillante. Barkhane n’a, en fait, fait que traverser la frontière du Mali pour se retrouver au Niger. Ce dernier reconnait avoir mené des dizaines d’opérations, avec Barkhane, le long de cette bande, sans limite visuelle, indisposant beaucoup les autorités maliennes et mettant en mal les relations bilatérales entre les deux pays africains. Bon élève de la France, le Niger entretient aussi d’excellentes relations de coopération militaire avec l’Allemagne (formation du personnel militaire) et les autres forces occidentales dans la région. Fin stratège, le président nigérien a sa petite idée derrière la tête ? Mais laquelle? Mohamed Bazoum qui n’a pas besoin de tout ce tintamarre pour se remettre en selle n’est pas cependant prolixe sur la solution.
Les ambitions du président nigérien, qui ne ménage plus ses amitiés, vont sans doute se préciser davantage au gré des péripéties politiques au sein de l’organisation du G5Sahel. En attendant, ce dernier, tronqué du Mali, continue inlassablement, malgré les coups de boutoir du président nigérien, son bonhomme de chemin. Mieux, il s’affirme, à travers la coopération multiforme, comme le seul espace et l’unique creuset viable d’une coordination internationale de lutte contre les crimes terroristes, de trafics et de traite d’êtres humains.
Le président mauritanien, Mohamed Ould Ghazouani, président en exercice de l’organisation, qui a hérité d’un G5Sahel tumultueux, a tenté vaille que vaille de rapprocher les protagonistes. Sa gestion a été menée avec tact et sagesse. Une mission délicate, sensible et avec parfois même des relents fratricides (entre le Mali et le Niger). Contenir les divergences entre dirigeants de l’organisation plutôt que de colmater les brèches de l’organisation s’est imposé comme l’action prioritaire à laquelle le président Ghazouani s’est attelé. Elle réussit, avec le moindre mal, mais repose la lancinante question de l’après défection du Mali voisin et la non moins abracadabrante question de la présence sur ses terres de la milice Wagner; au lendemain du siège de Moscou par ces mercenaires.
Une réunion imminente serait prévue normalement à Nouakchott pour débattre de toutes ces questions y compris, semble-t-il, d’envisager l’élargissement de l’organisation à d’autres pays africains faisant face aux mêmes défis sécuritaires. Personne évidemment ne sait de quoi demain serait fait.. Le président nigérien peut légitimement donc faire des pieds et des mains pour se faire remarquer sur un échiquier de politique internationale. Mais si le Mali a préféré claqué la porte, le Niger semble provoquer un coup de grisou dans l’ensemble sahélien.
JD