Reprise des activités de pêche : Une longueur d’avance de 10 jours pour les artisans!

Le quai du port de pêche artisanale à Nouadhibou grouille déjà de monde en perspective de la reprise des activités de pêche fixée pour le 1er décembre 2023. Une longueur d’avance de dix jours par rapport à la pêche industrielle qui ne reprendra que le 10 décembre. Les artisans veulent mettre donc les bouchées doubles après avoir longtemps attendu de reprendre le large.

Pour certains acteurs, Nouadhibou, la capitale économique, n’était depuis l’arrêt biologique du 1er octobre 2023 qu’une ville fantôme. Les activités y étaient presque au ralenti. De sorte que toutes les discussions ne tournaient plus que sur le timing de la reprise des activités de pêche. La préoccupation tournait surtout sur le temps d’avance qui serait donné à la pêche artisanale par rapport à la pêche industrielle. Mais tous espéraient que le département en charge de l’aménagement et de la gestion de la ressource leur donne le feu-vert au plus tôt car la situation financière était devenue intenable pour tous. La pêche reste un pilier crucial pour l’économie nationale pour un apport annuel entre 10 et 12 % au PIB et 50% des exportations du pays.

Haro sur le poulpe
La reprise d’activité ne concerne évidemment que la pêche aux céphalopodes, le poulpe notamment. Car, en effet, sur le parc de pirogues accostées au port de pêche artisanale, 90 % sont destinées à pêcher au poulpe. Officiellement, elles seraient 4700 pirogues en activités dans ce segment. Plus de 65.000 personnes y travaillent comme marins. Mais ils seraient, avec les activités en annexe à ce segment, près de 240.000 personnes qui vivraient de ce sous-secteur. Une étude de la GIZ soutient aussi que « 3,3% de la population mauritanienne est employée dans la pêche artisanale ». Des acteurs vont encore plus loin prétendant que 740.000 mauritaniens, au moins, tireraient profit de retombées financières de ce sous-secteur (transport, la communication, le commerce…).
En plus de ces pirogues artisanales, il y a également 500 bateaux de pêche côtière ciblant cette même espèce. Avec la pêche industrielle, ils se partageraient une quantité d’un peu plus de 34 tonnes de poulpe chaque année. Une gestion de la ressource exploitée via la stratégie des quotas en vigueur depuis 2015. Une stratégie différemment appréciée selon les intervenants et sur laquelle beaucoup trouvent à redire notamment en termes de transparence dans la distribution des quotas. Sur un stock de 42% du total permissible qui serait alloué, la pêche artisanale aurait capturé l’année dernière une quantité estimée à plus de 20.000 tonnes. Pour les connaisseurs, la pêche au poulpe est une pêcherie stratégique. Mais ils admettent que cette espèce ciblée « reste mal connue dans son cycle de vie». Toutes les informations sur l’espèce seraient encore « approximatives ».

Une course contre la montre
Même si les rendements ne seront connus qu’après le retour des premières pirogues qui partiront en zone de pêche, aujourd’hui le challenge pour les pêcheurs artisans dont certains grâce au projet “Promopêche” ont appris à se convertir le temps d’un arrêt biologique dans la pêche au poisson à écailles (potentiel de plus de 1.8 millions de tonnes/an), le défi de cette reprise semble pour eux la fluidité de l’armement de leurs pirogues en intrants.
D’autres réflexions encore plus incisives concernent pour eux la remise en cause du système des quotas ou tout au moins en faire l’évaluation pour connaitre ses goulots d’étranglement d’autant que l’évaluation à mi-parcours aurait mis en évidence les failles (dérogations) de cette politique. Un dernier expert commis par l’Etat pour cette évaluation –selon les acteurs de la pêche- n’aurait pas l’occasion de restituer son étude à cause de réticences administratives.
Il est bien clair aujourd’hui que malgré les mesures incitatives prises par les autorités publiques, le secteur des pêches en Mauritanie ne tourne pas à plein régime. Quelques défis structurels persistent encore. Des formations sont dispensées pour éradiquer ou atténuer ces disparités fonctionnelles à travers notamment la formation des métiers de la mer. Mais plus que tout encore le véritable objectif pour notre pays restera celui de favoriser la transformation sur place et assurer donc une plus-value à la production halieutique. La construction récente d’usines de transformation en Mauritanie est un premier pas vers cet objectif de rentabilisation maximale de la ressource et de création d’emplois dans un pays dont 60% des jeunes ont aujourd’hui moins de 20 ans. Le chemin est parsemé d’embûches qu’il faudra isoler…définitivement.
Jedna DEIDA

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