Sénégal : Jusqu’où ira l’entente Faye-Sonko ?

Jusqu’ici Bassirou Faye et Ousmane Sonko s’entendent à merveille. Combien de temps tiendra l’idylle entre les deux hommes. Et qui fera finalement ombrage à l’autre? Après l’euphorie de la victoire, place à realpolitik!
L’élection du président Bassirou Faye, malgré ses assurances à l’endroit de son parrain et ami des jours difficiles, Ousmane Sonko, ne rassure pas beaucoup sur l’avenir entre les deux hommes et peut même secréter les raisons de clivages intestins pouvant miner l’entente entre les deux hommes. Pourtant, flanqué du président du Pastef, lors de l’entrevue avec le président sortant, Macky Sall, Bassirou Faye a déjà donné les gages de reconnaissance à ses amis qui l’ont porté à la présidence sénégalaise. Il a également aussitôt nommé O Sonko au poste de premier Ministre. B. Faye reste néanmoins le dépositaire de la volonté du Peuple sénégalais même si certains justifient cette élection par l’interdiction opposée à O. Sonko de briguer le suffrage des électeurs. L’élection terminée, B. Faye devrait quitter définitivement son habit de militant du Pastef et s’ériger en président de tous les Sénégalais. C’est cela la morale politique de cette élection.
Faye acceptera-t-il un président Bis ?
Stratège du Pastef dont il est le chef incontesté, O. Sonko a besoin de grands espaces pour se mouvoir depuis l’élimination de son adversaire direct, M. Sall. Le poste de premier Ministre, même si c’est celui de l’homme qui diligente la politique nationale, reste toujours aux yeux de l’ambitieux homme politique, né dans les échauffourées pour le pouvoir au Sénégal, devenu député, un palier en dessous des objectifs qu’il s’était fixés. O. Sonko veut exorciser tous les obstacles à son ascension à la présidence Sénégalaise.
Il risque, en cas de divergence d’appréciation avec le président en exercice actuel, d’entrer en conflit avec un homme sur lequel il croit certainement avoir, au-delà de la reconnaissance politique, beaucoup d’autres droits dont il ne pourrait s’affranchir sans dégâts pour lui. En effet, O. Sonko serait, dans son subconscient, « le maitre à penser » du président. Celui qui lui a ouvert les arcanes de la politique sénégalaise et pardessus tout celui qui l’a imposé au Pastef pour le remplacer à cette dernière élection présidentielle. Un choix qui n’avait été accepté de gaieté de cœur par ses frères d’armes qui ont préféré s’effacer face à ce choix du militant sortant de prison plutôt que de contrarier l’initiateur du projet, A. Sonko. Certaines mauvaises langues prétendent même que c’est pour mieux le « manipuler » que O. Sonko aurait choisi le candidat B. Faye au détriment de la pléthore de cadres compétents qui auraient pu faire le jeu de l’opposition à l’ancien système.
Si cette perception fragilise les relations entre les deux hommes et que le président légitime voudra s’éloigner de l’emprise de O. Sonko, il ne sera donc pas étonnant de voir émerger, au grand jour, des antagonismes entre la Présidence et la Primature. Il sera aussi possible d’assister à des secousses qui ébranleront le Pastef et ses électeurs qui au-delà des promesses jugeront les deux hommes sur le travail de terrain et devraient les départager sur la scène. Pour l’heure on est encore loin de cette éventualité et les deux hommes savourent leur victoire chèrement acquise contre le clan du système. Le premier défi sera, sans doute, pour le nouveau gouvernement de tourner une page d’une politique du pays alors que le discours du président lors de son investiture remet beaucoup d’acquis diplomatiques et économiques en question. B. Faye devrait, pour l’intérêt de son pays, imprimer au gouvernement de travailler d’emblée à trouver des solutions aux énormes défis qui l’assaillent comme l’emploi des jeunes, l’éducation, la migration, la promiscuité des conditions de vie. Il restera, finalement, malgré l’omniprésence physique et psychologique de O. Sonko, le seul maitre à bord et le véritable responsable devant le Peuple Sénégalais.
JD