Mali-Mauritanie : en Chine, Goïta et Ghazouani tentent de déminer la crise
Le chef de l’État mauritanien réélu en juin dernier et le président malien de la transition se sont rencontrés pour la première fois à Pékin le 4 septembre, après des mois d’escalade diplomatique. Les deux voisins, dont les pays sont très liés, ne s’étaient pas parlé directement depuis des mois.
Entre eux, les relations étaient jusqu’ici glaciales, si bien qu’une rencontre entre Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et Assimi Goïta ne semblait pas à l’ordre du jour. Mais, tandis que les tensions avec l’Algérien Abdelmadjid Tebboune vont grandissant, le président de la transition malienne a décidé de faire un pas vers son autre voisin. Lequel fut un précieux allié lors des lourdes sanctions imposées par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à son pays.
C’est donc à son initiative que la rencontre du 4 septembre à Pékin, en marge du Forum de coopération sino-africaine (Focac, du 4 au 6 septembre), a été organisée. L’invitation avait été envoyée à Nouakchott via une note verbale. L’entretien, qui a duré près d’une heure, s’est déroulé dans une « atmosphère plutôt cordiale et fraternelle ». Plusieurs proches des deux présidents y ont assisté, parmi lesquels les ministres maliens de la Défense, Sadio Camara, et des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop. Côté mauritanien, le chef de la diplomatie, Mohamed Salem Ould Merzoug, et le directeur de cabinet du chef de l’État, Nani Ould Chrougha, étaient également présents.
Insécurité frontalière
Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani et Assimi Goïta ont bien sûr abordé le sujet brûlant des exactions commises ces dernières années à l’encontre de citoyens mauritaniens à la frontière des deux pays par les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs supplétifs russes de Wagner – désormais intégrés à Africa Corps. Une enquête lancée en mars 2022 par Bamako n’a toujours pas livré ses conclusions, au grand dam de Nouakchott. Depuis, les incidents n’ont cessé de se répéter et l’insécurité à la frontière est devenue très préjudiciable aux habitants de la région mauritanienne du Hodh El Chargui. Communiqués au ton inhabituellement ferme, rappel de l’ambassadeur du Mali, visite de son ministre de la Défense Hanena Ould Sidi à Bamako… La Mauritanie n’a cessé d’exprimer son mécontentement.
À tel point qu’Assimi Goïta a personnellement téléphoné à Mohamed Ould Ghazouani le 10 mars dernier afin d’éviter que la situation ne s’envenime davantage. Leurs contacts directs étaient alors devenus quasi inexistants. À Pékin, les deux dirigeants ont demandé à leurs ministres des Affaires étrangères et de la Défense de se coordonner pour poursuivre les concertations.
Mohamed Ould Ghazouani a rappelé à Assimi Goïta son attachement à l’intégrité territoriale du Mali mais aussi au principe selon lequel la sécurité ne peut être que collective. Il a également insisté sur le fait que la multiplication des échanges d’informations et de renseignements est cruciale. La partie mauritanienne a jugé Goïta réceptif, même s’il est peu probable que ses souhaits se concrétisent. Ancien chef d’état-major général des armées, le président mauritanien se sait malgré tout écouté par le colonel malien.
Bamako fidèle à la Russie
Parmi les sujets clivants figure donc en bonne place la société militaire privée Wagner, qualifiée de « milice » par Nouakchott. Ghazouani a exprimé à plusieurs reprises, notamment auprès du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en visite à Nouakchott en février 2023, son refus catégorique d’accueillir ces mercenaires dans son pays. Une position qu’il a de nouveau exprimée auprès d’Assimi Goïta. Celui-ci, fidèle à son choix d’alliance russe, a sans surprise campé sur ses positions.
Enfin, la question de la réintégration du Mali au sein de l’Union africaine (UA), que dirige actuellement le président mauritanien, a également été évoquée. En avril, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avait exhorté Bamako à « travailler à une feuille de route visant à achever la transition en cours », pointant du doigt la suspension des partis et des associations de nature politique comme étant des entraves à ce processus.
Selon nos sources, une réunion de l’organisation continentale doit avoir lieu en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvrira le 10 septembre à New York. Plusieurs grandes initiatives seront décidées à cette occasion, concernant notamment la situation des pays putschistes d’Afrique de l’Ouest.
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