Moyen-Orient : Accords d’Abraham, « pas sans la Palestine »

En visite à la Maison-Blanche, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a réitéré une position devenue centrale pour Riyad pour qui aucune normalisation durable avec Israël ne sera possible sans une véritable voie vers la création d’un État palestinien.
En rappelant que l’Arabie saoudite, aux côtés de la France, a relancé aux Nations unies l’initiative pour la solution à deux États, le prince héritier a envoyé un signal clair : le cœur du problème reste la question palestinienne, et toute tentative de contourner ce dossier est vouée à l’échec.
Ce message vise directement la politique menée par Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien, sous mandat d’arrêt de la Cpi, continue de s’opposer à la création d’un État palestinien, malgré l’évolution des positions américaines sur lesquelles se lit désormais que cette solution comme incontournable pour la paix durable. Le refus israélien de reconnaitre les limites de la solution militaire alimente un climat de défiance dans la région, où de nombreux États voient dans les stratégies israéliennes — opérations militaires répétées, interventions au-delà de ses frontières, refus de concessions politiques — un facteur majeur de déséquilibre et de destabilisation contine de la région toute entière.
Pour Riyad comme pour une large partie du monde arabe, en effet, les actions d’Israël contribuent à nourrir un cycle de tensions incessantes qui empêche toute stabilisation durable. Les opérations à Gaza et les affrontements ouverts ou indirects en Syrie, au Liban, au Yémen ou encore avec l’Iran et le Qatar entretiennent une crainte d’embrasement chronique.
Dans cette perspective, l’Arabie saoudite considère qu’Israël joue un rôle non négligeable dans la dégradation de l’environnement sécuritaire régional. Cette conviction est renforcée par les discours hégémoniques évoquant un « Grand Israël », révélateurs d’une vision expansionniste impossible à concilier avec une paix durable.
Les limites d’une normalisation sans justice
L’ambition des Accords d’Abraham, lancés en 2020 sous Donald Trump, était de redessiner les équilibres diplomatiques du Moyen-Orient. Pourtant, quatre ans plus tard, seuls quelques rares États arabes (3) y ont adhéré, preuve que la tentative de dissocier normalisation et question palestinienne n’a pas produit l’élan escompté.
Aujourd’hui, Washington cherche à relancer cette dynamique, convaincu qu’une paix régionale est non seulement nécessaire mais devenue urgente. Mais l’administration américaine doit composer avec les pressions de courants pro-israéliens influents, réticents à toute stratégie impliquant une mise en tension avec le gouvernement Netanyahou.
Le dilemme est clair : sans pression sur Israël, aucune avancée significative n’est envisageable. L’allié israélien pourrait faire réagir avec ses taupes dont certaines sont au sein même de l’exécutif américain. Comme preuve, B. Netanyahou ne cache pas sa “mainmise” sur la gâchette en opposant son véto à la vente de F35 américain à l’Arabie Saoudite.
La paix comme condition du développement
Pourtant, et en dépit de l’extrémisme du gouvernement Netanyahou, une réalité s’impose. Le Moyen-Orient ne pourra débloquer son immense potentiel économique sans un apaisement durable. Les tensions politiques freinent les investissements, perturbent les chaînes d’approvisionnement, entravent les corridors énergétiques et limitent l’intégration commerciale régionale.
Une paix fondée sur le droit international — incluant la reconnaissance de deux États, des garanties de sécurité pour tous, et la fin des politiques de confrontation — ouvrirait au contraire la voie à une croissance sans précédent. Les échanges, l’innovation, les infrastructures régionales et les partenariats stratégiques pourraient alors s’épanouir dans un cadre stable et plus juste.
Mais tant que la question palestinienne ne sera pas résolue de manière juste et durable, aucune architecture de paix ni aucun progrès économique significatif ne pourront voir le jour.
“Nous sommes destinés à vivre ensemble sur le même sol”, prédisait le Premier ministre d’Israël Yitzhak Rabin le 13 septembre 1993 sur la pelouse de la Maison Blanche, où se trouvait aussi le président Yasser Arafat. C’était les accords d’Oslo avant que les mêmes extrémistes qui sont aujourd’hui au pouvoir en Israël ne l’assassinent.
JD