Mauritanie : 65 ans d’indépendance, le long chemin entre le bruit de bottes et celui des urnes

Soixante-cinq ans après son accession à l’indépendance, la Mauritanie continue de composer avec une histoire politique marquée par l’instabilité, les régimes autoritaires et des avancées démocratiques encore fragiles. Retour sur un parcours semé de ruptures et de reconstructions.

Indépendante depuis le 28 novembre 1960, la Mauritanie s’était dotée d’un régime hypercentralisé. La Constitution de 1964 installe le Parti du Peuple Mauritanien (PPM) comme parti unique, consolidant l’autorité du président Moktar Ould Daddah, réélu sans opposition jusqu’en 1976.
Mais la participation à la guerre du Sahara occidental en 1975 met le pays à genoux. L’économie s’effondre, l’armée s’épuise et le pouvoir s’isole. Un changement soudain intervient à l’aube du 10 juillet 1978. Comme plusieurs pays africains, la Mauritanie découvre l’instabilité politique charriée par les coups d’Etat militaires.

L’Armée s’invite au pouvoir

Le 10 juillet 1978, un coup d’État sans effusion de sang renverse Moktar Ould Daddah. Le putsch, mené par Moustapha Ould Mohamed Saleck, ouvre la voie à une longue ère militaire.
Le nouveau comité au pouvoir se retire immédiatement du conflit saharien et restitue au Maroc le Rio de Oro, décision symbolique d’une rupture stratégique. En 1979, la Mauritanie signe son retrait de cette partie du Sahara.
En 1981, l’Emir et colonel Ahmed Salem Ould Sidi et le Colonel Kader tentent de renverser le régime militaire en place et conduit par le Lt Colonel Mohamed Khouna Ould Hiadallah. Ils échouent avant d’être condamnés à mort et exécutés par un tribunal martial. Ils sont une dizaine à connaitre le même sort. C’était à la suite du putsch du 13 Mars 1981.
S’ensuit une période d’instabilité chronique: chefs militaires qui se succèdent, rivalités internes, économie fragile.

Stabilité autoritaire et ouverture sous pression (1984–2005)

Le 12 décembre 1984, l’arrivée au pouvoir de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya apporte une stabilité relative. Elle sera toutefois entachée par des crises majeures, notamment suite à une tentative avortée de jeunes négro-mauritaniens de prendre le pouvoir par armes. Une situation qui va alimenter la crise avec le Sénégal en 1989.
Malgré les critiques dont il écope, Ould Taya s’inspire du « diktat » français de La Baule et adopte, en 1991, une Constitution pluraliste introduisant le multipartisme. Le Parlement bicaméral voit le jour, les élections se succèdent, mais le pouvoir reste fortement verrouillé au profit de Taya.
Après vingt ans de règne, Ould Taya est renversé en 2005 par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, entouré de ses proches compagnons d’armes Mohamed Ould Abdelaziz et Mohamed Ould Ghazouani. Une transition de 19 mois est lancée, avec à la clé une réforme constitutionnelle limitant les mandats présidentiels.
En 2007, Sidi Ould Cheikh Abdellahi devient le premier président civil élu démocratiquement. Mais son mandat tourne court : il est renversé dès 2008 par le chef de sa Garde présidentielle : le Général Mohamed Ould Abdelaziz.

2008–2025 : démocratisation progressive, fragilités persistantes
Le général Mohamed Ould Abdelaziz prend alors le pouvoir. Élu à deux reprises, 2009 et 2014, il domine la scène politique jusqu’à l’alternance de 2019, où il cède officiellement la place à Mohamed Ould Ghazouani, dans un passage de témoin inédit dans l’histoire du pays.
Depuis 2007, la Mauritanie connaît quelques avancées démocratiques malgré la résurgence des questions de droits humains. L’alternance au sommet de l’État est jusqu’ici assurée et devrait se reproduire à la fin du dernier mandat de l’actuel président Ghazouani d’ici 2029. Les institutions démocratiques ont connu une diversification avec une décentralisation accélérée et renforcée dans les régions alors que l’ouverture politique –malgré les couacs- est plus visible avec la dernière offre de dialogue adressée à l’opposition par le pouvoir.
Mais les défis restent de taille. L’enracinement d’une démocratie stable et inclusive réclame –loin de la récupération politicienne – de régler beaucoup de questions restées en suspens car le pays est toujours dans une trajectoire encore en construction.
En 65 ans, le pays a oscillé entre espoirs politiques. La découverte de nouvelles richesses et leur juste répartition pourrait bien contribuer à améliorer les conditions de vie des populations. Le pays avance, souvent lentement, parfois imperceptiblement, vers une gouvernance plus ouverte et espérons débarrassée de ses tares.
Pourtant, une question taraude encore les esprits : les fondations posées depuis deux décennies permettront-elles enfin l’émergence d’un système démocratique assumé par tous?

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