Assurances : Sortir du laxisme ambiant

Un forum consultatif consacré à l’avenir du secteur des assurances en Mauritanie a été inauguré lundi par la Banque Centrale de Mauritanie (BCM). L’événement, présidé par la Mme Aminata Kane, Gouverneure Adjointe de la BCM, s’est déroulé en présence du conseiller du Premier ministre chargé de l’Économie et des Finances, M. Mohamed Lemine Ould Hamadi, ainsi que de représentants des départements ministériels concernés, d’experts nationaux et internationaux, et de plusieurs institutions financières africaines partenaires.
Prévu pour deux jours, ce forum s’inscrit dans un contexte continental marqué par de profondes mutations du secteur assurantiel : exigences réglementaires renforcées, digitalisation accélérée, émergence de nouveaux risques (climatiques, sanitaires, cyber), mais aussi montée en puissance des secteurs extractifs et des infrastructures nécessitant des capacités de couverture plus robustes. En Mauritanie, où le taux de pénétration de l’assurance reste parmi les plus faibles d’Afrique (moins de 1 %), la réforme devient un impératif économique et social.
Dans les faits, l’objectif du forum est de lancer officiellement un chantier de transformation globale du secteur des assurances, afin de le rendre plus solide, plus transparent et mieux intégré à la dynamique économique nationale et régionale. Le programme de la première journée inclut notamment une présentation du diagnostic complet réalisé par FINACTU, qui met en lumière les défis structurels du marché mauritanien : atomisation du secteur, faibles capitaux, lenteur du règlement des sinistres, absence d’innovation produits, et manque de confiance des assurés.
Les échanges portent également sur la relance de la croissance à partir d’expériences africaines réussies, notamment en Afrique du Nord, en Afrique de l’Ouest et en Afrique australe, où plusieurs pays ont modernisé leurs cadres juridiques et amélioré la gouvernance du secteur.
Une option stratégique pour la Mauritanie
Dans son allocution, Mme Aminata Kane a souligné que l’organisation de ce forum illustre «la ferme volonté de l’État de bâtir un système d’assurance moderne, efficace et capable de protéger les citoyens dans une économie en pleine transformation ». Elle a rappelé que le transfert de la supervision des assurances à la Banque Centrale constitue une évolution majeure, alignée sur les meilleures pratiques africaines observées notamment au Maroc, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, où le renforcement du contrôle prudentiel a permis un assainissement significatif des marchés.
Elle a affirmé que la modernisation du secteur est désormais une urgence dans un pays exposé à une large gamme de risques, dont les risques climatiques, de plus en plus fréquents dans l’ensemble du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest.
La Gouverneure Adjointe a enfin insisté sur la nécessité d’adopter des mécanismes de gouvernance adaptés aux standards internationaux, afin d’accompagner les investissements majeurs en cours : développement pétrolier et gazier, expansion du secteur minier, projets d’infrastructures et de transition énergétique.
Les piliers de la présente réforme
Pour sa part, le Directeur des Assurances à la BCM, Moustapha Kane, a circonscrit la réforme du secteur de l’assurance à trois piliers à savoir l’élaboration d’un contrat-programme pour le développement du secteur, l’adoption d’un nouveau cadre législatif, et le renforcement du système de supervision.
Il a souligné que ces efforts s’inscrivent dans une dynamique continentale visant à professionnaliser le secteur, à réduire l’informalité et à améliorer la protection des assurés, à l’image des réformes engagées ces dernières années au Maroc, au Rwanda ou en Tunisie. Selon lui, « l’évolution du marché ne dépendra pas uniquement des textes, mais aussi d’une transformation des pratiques, de la culture assurantielle et de l’engagement de tous les acteurs ».
Réagissant à ces nouvelles mesures d’assainissement du secteur, Mme Ezza mint Emmemme, présidente de l’Association des assureurs mauritaniens, le secret de la réussite de la réforme tiendrait à la nécessité d’améliorer la transparence, d’accroître la sensibilisation du public et de renforcer les compétences techniques, dans un continent où l’assurance reste encore peu accessible et insuffisamment comprise par une grande partie de la population.
L’initiative de la BCM est saluée enfin par la directrice de FINACTU, Mme Leila Meikou, traduisant le lancement d’un Forum général de l’Assurance comme « un signal fort », témoignant d’une volonté politique claire de transformer un secteur en crise en véritable moteur de protection et de stabilité financière. Elle a rappelé que plusieurs pays africains ont récemment réussi à restructurer leur marché assurantiel, notamment le Maroc et la Tunisie, en adoptant des normes plus strictes, en renforçant la gouvernance et en améliorant la solvabilité des acteurs.
Selon elle, la Mauritanie s’inscrit désormais dans cette dynamique, et les décisions prises au cours de ce forum devraient placer le pays sur une trajectoire similaire de modernisation et de croissance durable.
(avec Ami)