Journée de la francophonie : Grand Merci à la France ! Par Mohamed Yeslem Yarba BEIHATT
Oui, en tant que citoyen mauritanien, fier de ma langue arabe, langue officielle de mon pays, je me dois en cette journée du 20 mars, qui correspond chaque année à la lugubre et grotesque habitude de célébrer la francophonie dans mon pays, je me dois disais-je, de remercier la France, grande nation européenne, digne de respect, d’admiration, et d’estime ! Oui, mais pourquoi, me diriez-vous ? Alors lisez bien ce qui suit, et vous verrez bien pourquoi.
Tout d’abord, la France, grande nation européenne, digne de respect, d’admiration, et d’estime, est le pays à la langue la plus régentée au monde, et est, en tant que tel, un pays qui se respecte ; et se comporte, civilisationnellement, de la manière la plus correcte. La France a très vite sentie que la langue française, c’est ce que les Français ont de plus précieux.
Elle l’a su depuis plus de quatre siècles. En effet, « l’Académie française, fondée en 1634 et officialisée en 1635 par le cardinal de Richelieu, est une institution française dont la mission est de « contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres » et la fonction de tenir à jour un dictionnaire de référence du français, et d’approuver la publication au Journal officiel d’équivalents francophones de termes techniques étrangers dans la langue française ».
Donc, très bonne leçon à suivre, pour nous autres mauritaniens pour que nous nous rendions compte, tous, at sans exception ; Wolof, Soninké et Pular, avant les Maures, que l’arabe, langue miracle, celle de tous les mauritaniens, celle de notre Sainte Religion commune, est ce que nous avons de plus précieux. À nous de la régenter, de voter toutes les lois qui sont de nature à la préserver, la tenir vivante, et la faire évoluer. À nous de créer une Académie de la langue arabe en Mauritanie, et ‘’d’approuver la publication au Journal officiel d’équivalents arabophones de termes techniques étrangers dans la langue arabe’’.
Deuxièmement, la France grande nation européenne, digne de respect, d’admiration, et d’estime, a très tôt senti le danger de l’hégémonie de l’Anglais. Et dans un très joli morceau de poésie, son poète VIENNET, dans une Épître à Boileau, de 1853, disait déjà :
On entend que des mots à déchirer le fer,
Le railway, le tunnel, le ballast, le tender,
Express, trucks, wagons ; une bouche française
Semble broyer du verre, ou mâcher de la braise…
Certes de nos voisins l’alliance m’enchante,
Mais leur langue à vrai dire est trop envahissante.
Faut-il pour cimenter un merveilleux accord
Changer l’arène en turf et le plaisir en sport ,
Demander à des clubs l’aimable causerie,
Flétrir du nom de grooms nos valets d’écurie,
Traiter nos cavaliers de gentlemen-riders ?…
Je maudis ces auteurs dont le vocabulaire
Nous encombre de mots dont nous n’avons que faire.
Quel joli poème. Pas besoin d’ajouter une virgule ! C’est mon sentiment le plus profond et le plus sincère, vis-à-vis de ma langue arabe, surtout lorsque ce poète vous dit :
Certes de nos voisins l’alliance m’enchante,
Mais leur langue à vrai dire est trop envahissante.
C’est comme s’il le disait à la place de chaque mauritanien : certes avec la France, l’alliance, l’amitié, la fraternité, la coopération, les échanges, le commerce, l’assistance technique, les relations privilégiées, les relations intimes, l’amour même ; tout cela nous enchante, mais la langue française est trop envahissante !!!!
Troisièmement, et ça sera le dernier aspect que j’évoquerai, mais de loin le plus important. À savoir, que la France s’est dotée depuis 1994 d’une loi, devenue célèbre, connue sous le nom de la LOI TOUBON. Cette loi est d’une teneur, d’une vigueur, d’une importance, d’une acuité, d’une lucidité civilisationnelle, et d’une importance si capitale, qu’elle doit inspirer toutes les Nations du monde entier. Chaque pays indépendant, libre et souverain doit avoir un droit absolu, de voter sur son sol et pour son peuple, une LOI TOUBON pour sa propre langue. Vous ne pouvez pas imaginer l’importance de cette loi, comme source d’inspiration, pour notre pays, la Mauritanie, qui mène une vraie guerre d’existence, depuis son indépendance, pour imposer notre langue, l’arabe.
« Préparée par Catherine Tasca, la loi du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française, dite communément « Loi Toubon » ; est une puissante arme juridique.
Et qu’est-ce qu’elle dit, cette LOI TOUBON ?
Il n’y a pas mieux placé pour répondre à cette question, que Jacques Toubon, lui-même, ancien ministre de la Culture et de la Francophonie, lorsqu’il dit :
« Cette loi, qui suscita de l’incompréhension, voire de la raillerie, parmi les relais d’opinion, est aujourd’hui massivement approuvée par nos concitoyens. De quoi s’agit-il, en effet ? Non pas d’une loi sur le bien-parler ou le bien-écrire, comme certains ont feint de le croire, mais bien d’une loi qui prévoit l’emploi du français dans les différentes circonstances de la vie sociale telles que le travail, la consommation, la publicité, les médias, les services publics, l’enseignement et la recherche. Par exemple, elle fait obligation à tout employeur installé sur le territoire français, fût-il une multinationale de Chicago, de conclure un contrat de travail en français ou de le traduire. Autre exemple : elle oblige le fabricant d’un médicament ou d’un appareil électrique à traduire le mode d’emploi… De fait, il existait bel et bien un vide juridique dans ce domaine. Aujourd’hui, on enregistre de bons résultats dans les domaines de la consommation, du travail, de l’enseignement et la recherche, mais d’autres secteurs sont à la traîne : la publicité, les médias et, malheureusement, les services publics. Un colloque sur la langue française, organisé au printemps 2014 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, faisait état de cette situation, et de la nécessité de rappeler à leurs devoirs la SNCF, Air France, la Poste ou encore EDF.
Comment la loi du 4 août va-t-elle relever les grands défis du XXIe siècle : l’affirmation des identités locales, l’internationalisation croissante des échanges, l’instantanéité de l’information… ? Elle trouvera – je le sais – les réponses adaptées, tout comme elle a trouvé à s’intégrer, voici vingt ans, au contexte exigeant qu’était l’exception culturelle. Ce dossier, le premier dont j’ai eu à m’occuper quand j’étais ministre de la Culture et de la Francophonie, a servi de levier pour conduire le chantier de la diversité culturelle et linguistique. Il y avait une véritable logique entre les deux processus. Aujourd’hui, en tant que Défenseur des droits, je souhaite que rayonne l’idée que le droit au français est un droit fondamental, constitutionnel. « La langue de la République est le français », dit l’article 2 de notre Constitution. Du respect de ce droit dépend la cohésion sociale dans notre pays. Ce qui n’empêche pas notre langue de rester une langue ouverte ». Sic.
Qu’il me soit permis, à mon tour, de rappeler aux fervents tenants à la semaine de la langue française en Mauritanie, et aux francophones zélés, que la Mauritanie, a comme langue officielle, la langue arabe et non pas le français. Sempiternel rappel, trivial pourtant, et lassant à reprendre, mais nécessité oblige! Parce que, comme nous le savons tous, le droit tout à fait naturel de la langue arabe, dans son fief le plus ‘’nec et ultra arabophone’’, qu’est ‘’Bilad Chinguitt’’, d’être la langue dominante, n’a, hélas, jamais pu voir le jour, pour deux raisons majeures :
1-La faiblesse de l’Administration de l’Etat mauritanien naissant, qui, jusqu’aujourd’hui même, tolère, sinon encourage, l’utilisation de la langue française dans la législation, les échanges, le travail administratif, et les décisions officielles de l’Etat Mauritanien.
2-L’encouragment, la pression, le ‘’lobbysme’’, et toutes sortes d’actions ‘’complotistes’’, sournoisement ou même expressément menées, de la part des forces de la francophonie, et à leur tête l’Etat Français, via sa mission diplomatique ‘’massive’’ à Nouakchott ; qui ont œuvré et œuvrent inlassablement encore, pour encourager et maintenir l’utilisation de la langue française à tous les niveaux, et dans tous les rouages de l’Etat, dans le but de perpétuer son utilisation exclusive par l’appareil étatique mauritanien tout entier.
Cet état de fait indéniable, a rendu, et de go, la langue française, comme ‘’langue colonisatrice’’, étant trop envahissante ; d’une langue étrangère, à présence ‘’admissible’’ ou ‘’tolérable’’, voire même ‘’langue d’ouverture’’, à une langue ‘’dominante’’, très conflictuelle, sinon belliqueuse ; donc franchement insupportable aux yeux de tous les tenants à l’affirmation de la souveraineté nationale ; c’est-à-dire les tenants à la langue arabe, comme seule langue officiellement légitime, de l’Etat mauritanien, défenseurs de l’arabisation totale de l’Administration, et de tout ce qui est officiel, dans notre pays.
Donc, depuis la naissance de l’Etat mauritanien, la présence de la langue française, était d’une hégémonie totale, si marquée, si ostentatoire, si exclusive et si envahissante, qu’elle a fini par constituer le vrai ‘’problème’’ de la Mauritanie naissante. Le nœud gordien de tous nos problèmes. Aussi bien dans notre unité nationale, dans notre progrès, que dans notre développement futur, hautement handicapé et hypothéqué, par la langue française.
Et au lieu de constituer, ce qu’on va appeler plus tard, trop pernicieusement ‘’langue de travail’’, ou parfois ‘’langue d’ouverture’’, la langue française en Mauritanie, s’est transformée en sujet et matière de débat très passionné, houleux, pas cordial du tout ; car souvent très politisé, c’est-à-dire miné à dessein par des protagonistes sur la scène politique, exploitant chacun la problématique de la domination de la langue française, pour servir sa thèse, son idéologie et ses orientations. Et par conséquent, notre langue officielle, l’arabe, s’en est profondément ressentie, à telle enseigne qu’on est arrivé au stade de la traiter de ‘’langue arriérée’’, de ‘’langue des sales arabisants’’, de ‘’langue des ignorants bédouins’’ ; et pour toutes les décennies de l’après indépendance, disons jusqu’aux années 90 du siècle dernier, c’est-à-dire, jusqu’à tout récemment, seule la langue française était considérée comme celle de l’élite éclairée, cultivée et moderne.
Une telle situation a rendu notre relation avec la langue française, on ne peut plus conflictuelle, surtout lorsqu’on est arrivé au stade où un mauritanien, à diplôme égal et spécialité identique, se trouve privé de tout travail, ou de toute promotion, pour le seul péché ‘’grave’’ d’avoir été formé en langue arabe. Mais, grâce à la prise de conscience grandissante de la nécessité et de l’urgence de remédier à une telle situation, de loin anormale et inadmissible, l’Etat mauritanien commençait timidement, à initier des tentatives ‘’d’arabisation’’ de l’Administration et ‘’d’introduction’’ de la langue arabe dans l’enseignement public, par le biais de ‘’réformes’’ et de ‘’réformes contraires’’, souvent si ‘’bâclées’’ et, malheureusement, si ‘’idéologisées’’, qu’elles ne pouvaient pas permettre de nous faire accéder au statut d’Etat indépendant et souverain, dont l’Administration et l’enseignement se font de la manière la plus normale au monde, par le medium naturel, de sa langue officielle, à savoir la langue arabe. Langue qui, faut-il encore le rappeler, est, ou bien celle maternelle de la majorité du peuple mauritanien, ou bien celle du culte, et d’échange culturel, pour le cas de la minorité négro-africaine. Aucune raison donc, pour l’usage d’une autre langue que la langue arabe, ou l’acceptation de la domination ostentatoire, exclusiviste, oppressante et agressive de la langue française. Et si jamais nous nous sentions appelés à un examen approfondi de cette situation, sachons que notre pays, a beaucoup perdu, en terme de temps et de moyens, à cause de la ‘’prédominance’’ offensante, la ‘’suprématie’’ fallacieuse, et la ‘’priorité’’ bébête, accordées à la langue française dans notre pays.
Il est grand temps donc de se démarquer complètement de cette langue ‘’colonisatrice’’, ‘’envahissante’’, ‘’hégémonique’’ et ‘’agressive’’, qui nous a tant coûté, en termes de perte de temps en guéguerres, en termes de dispersion de nos efforts, en termes d’atteinte à notre unité nationale, et surtout d’obstacle à l’appropriation du vrai medium, moyen, support et véhicule des connaissances modernes, qu’est la langue anglaise. Dans ce sens, et sur cet axe d’analyse, j’attire l’attention de mes concitoyens, tous, et sans exception, que si langue d’ouverture, ou langue de travail, on devrait avoir, elle ne peut et ne doit être que l’anglais. Et je leur fait remarquer aussi, que l’appropriation et la maîtrise de la langue anglaise par notre jeunesse, est devenu de nos jours, un enjeu stratégique, du plus haut niveau degré pour notre pays. Et que ce n’est pas seulement un choix, parmi d’autres, qu’on peut se faire, comme veulent nous le faire accroire les francophones, en prônant ce qu’ils appellent ‘’le multilinguisme’’ ; mais qu’il s’agit bien, pour ce qui est de l’anglais, d’une ‘’nécessité’’ stratégique, dictée par la place qu’occupe la langue anglaise dans l’acquisition des connaissances modernes, et la maîtrise des nouvelles technologie. D’ailleurs, l’arme du ‘’multilinguisme’’ et de ‘’l’ouverture sur toutes les cultures’’ que brandissent malicieusement les francophones, n’est qu’un rempart derrière lequel ils se cachent, pour éterniser la présence, et la domination du français dans notre pays. Mais cela ne marche plus, et tout le monde a pris conscience aujourd’hui, que pour la Mauritanie, comme d’ailleurs pour tous les pays en voie de développement, la langue anglaise s’impose comme choix stratégique, conditionnant tout progrès, développement, et accès aux technologies modernes. J’invite donc nos gouvernants à y penser sérieusement, et à se rendre à l’évidence que nous n’avons plus de temps à perdre, à envoyer nos petits ânonner les ‘’abécédaires’’ de Mamadou et Bineta, et qu’en place et lieu de cela, nous devons leur permettre, et le plus vite possible, d’accéder à la langue anglaise qui, comme je le disais plus haut, est devenu une arme ‘’stratégique’’ vitale pour les pays du monde entier ; dont l’acquisition et la maîtrise conditionnent tout progrès, ceci étant actuellement reconnu, partout dans le monde. Pensons juste un instant, au Nigéria, à l’Afrique du Sud, au Ruwanda, au Kenya, à la Malaisie, à l’Indonésie, au Japon, à la Chine, à Taiwan, à l’Inde, au Brésil, à la Corée du Sud ; pays qui ont compris, très tôt, l’importance stratégique de la langue anglaise, et dont l’appropriation et la maitrise par leur jeunesse de cette langue, a été on ne peut plus payante et bénéfique, leur permettant de réaliser les progrès souhaités, sur tous les plans, et en temps record. Et nous, mauritaniens, qu’attend-on pour cela, qu’est-ce qui nous en prive, et qu’est-ce qui peut bien nous en empêcher ? Il revient à la jeunesse mauritanienne consciente, de répondre.
Comme il revient à la jeunesse mauritanienne, aussi et avant tout, d’exiger une LOI TOUBON, pour la langue arabe en Mauritanie, (langue fédératrice de tous les mauritaniens, pour la majorité, par naissance, et pour les autres, par confession) ; et de chasser le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et d’exiger à tout officiel, qui parle au nom de l’Etat mauritanien, de le faire uniquement en arabe.
Comme il revient à la jeunesse sénégalaise d’exiger une loi Toubon, pour le Wolof au Sénégal, (le Wolof, la langue la plus répandue au Sénégal, est parlée par 80 % des Sénégalais) ; et de chasser le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée ; et d’exiger à tout officiel qui parle au nom de l’Etat sénégalais, de le faire uniquement en Wolof.
Comme il revient à la jeunesse malienne d’exiger une loi Toubon, pour le Bambara au Mali, (le bambara est parlé par plus de trois quarts des maliens) ; et de chasser le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée et d’exiger à tout officiel qui parle au nom de l’Etat malien, de le faire uniquement en Bambara.
Comme il revient à la jeunesse ivoirienne d’exiger une loi Toubon, pour le Malinké, communément appelé Dioula, en Côte d’Ivoire, (le Malinké est majoritairement parlé par les Ivoiriens) ; et de chasser le français du Parlement, de l’Administration territoriale, des Ministères, de l’Armée ; et d’exiger à tout officiel qui parle au nom de l’Etat Ivoirien, de le faire uniquement en Malinké.
Vivement donc une LOI TOUBON à la mauritanienne, à la sénégalaise, à la malienne, à la nigérienne, et à l’ivoirienne et merci bien la France !!!
Mohamed Yeslem Yarba BEIHATT
Nouakchott le, 20/03/2023.
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