La pêche artisanale : Enjeux et défis.

Mon souci principal est d’arriver à mieux relever les défis auxquels ce secteur est confronté depuis ces dernières années.

Car la pêche artisanale est une des principales sources de revenus de notre nation. Une gestion efficace et participative est donc nécessaire pour maintenir cette activité vitale pour de nombreux citoyens. Je propose ici des éléments de réflexion globale concernant sa gestion durable afin de bien situer les changements économiques et financiers majeurs qu’elle génère. On commencera par remarquer que la pêche artisanale se caractérise par sa grande diversité, sa complexité et son dynamisme. Malgré son potentiel de résilience, ce secteur est un des premiers à ressentir l’effet de mesures de gestion et le premier à devoir s’adapter. Il est donc question de défis à relever.

Les changements intervenus dans ce secteur au cours des dernières années rendent obligatoire une réévaluation de la solidité des concepts de développement et d’aménagement engagés pour la pêche artisanale. J’évoquerai, dans ce contexte, trois aspects de ce secteur : le premier concerne la mise en œuvre des mesures d’aménagement ; le second concerne l’équilibre entre la pêche artisanale et la pêche industrielle ; le troisième touche les droits de propriété et les systèmes de règlementation en vigueur qui n’ont pas donné les effets escomptés en matière de bonne gestion.

À la frontière entre la limitation des intrants et l’augmentation des extrants – balance-clé du développement durable de toute activité lucrative – se situe l’épuisement des stocks. Or il existe plusieurs entraves à une saine limitation de la pêche :le manque de connaissances concernant la situation de ceux-ci ; le manque de ressources financières et de compétences administratives afin d’établir une réglementation pertinente ; et le manque de volonté ou d’habilité à surmonter les entraves socio-économiques afin d’aboutir à une utilisation sensée et responsable des ressources disponibles.

Nécessité de réflexions globales

De ce fait, la gestion rationnelle des pêcheurs constitue une des préoccupations importantes des gestionnaires de ressources halieutiques. Il s’avère donc nécessaire d’engager des réflexions globales approfondies sur les meilleures modes de gestion, en vue de contribuer à l’amélioration des conditions d’exportation des pêcheries artisanales. Il est aussi nécessaire de mettre en place des jalons pour un suivi et une gestion à long terme du secteur pour répondre à la problématique suivante : comment en détecter les vrais enjeux ? Une fois bien déterminées les caractéristiques et les facteurs explicatifs de cette activité, augmentés de données de suivi et de contrôle pertinentes, on sera à même de présenter et développer des outils de validation des pratiques mises en perspective avec la réglementation.

Le suivi de l’exploitation de cette ressource vitale est aussi indispensable pour comprendre comment cette exploitation change les écosystèmes et comment le système de gestion peut apporter les effets escomptés ; c’est-à-dire, en bref, la pérennisation de cette exploitation, bien sûr, mais également le développement social, au cœur des besoins et des aspirations de la population et des acteurs de la pêche artisanale. Aussi l’État doit-il renforcer les capacités de ceux-ci en affinant une législation maximalisant leurs capacités, leurs ressources et leurs opportunités d’améliorer leur participation au développement. Autrement dit, promouvoir l’investissement dans le développement de la pêche artisanale.

D’autant plus, d’ailleurs, que celle-ci contribue tout-à-la-fois à l’économie nationale, grâce aux devises apportées par les exportations, et aux économies locales, grâce à l’établissement de nombreux emplois et à l’amélioration des revenus des ménages de pêcheurs. On se souviendra ici que le nombre de personnes travaillant directement dans la production primaire de la pêche artisanale est estimé à plus de cinq cent mille personnes à Nouakchott et à Nouadhibou, tandis que les autres industries liées au traitement halieutique emploient plus de deux cent mille personnes. Chaque famille œuvrant dans la production primaire génère deux à trois emplois dans le secteur « post-production ».

De nombreux enjeux sont liés à la bonne gestion de la pêche artisanale. Cette question soulève des obstacles de nature socio-économique et humaine. Bien que ce secteur ait connu ces dernières années un essor capital, la mauvaise gestion est à l’origine de nombreux dysfonctionnements. Cela se traduit le plus souvent par une incapacité dans la lutte contre la surexploitation et la fragilisation des ressources halieutiques, affaiblissant le potentiel de contribution des pêcheurs aux objectifs de développement et de réduction de la pauvreté, réduisant la satisfaction de la demande domestique en produits de bonne qualité, et perturbant la répartition harmonieuse des richesses générées par ce secteur vital.

La mauvaise gestion, l’inefficacité des politiques en la matière, la trop faible prise en compte des priorités et des droits des artisans-pêcheurs, la corruption et le détournement sont autant d’obstacles à la contribution de la pêche artisanale à la sécurité alimentaire et à la croissance économique. Comme en tout ce qui touche les ressources naturelles, celles halieutiques ont toujours fait l’objet d’une surexploitation, au détriment de l’intérêt suprême de la Nation et, en particulier, des initiatives de l’État visant à la promotion et l’éducation de la population à de nouvelles habitudes alimentaires.

Mais, au-delà de cette conscience collective de la demande, il est temps de structurer l’offre, actuellement trop dominée par des circuits de personnes influentes et corrompues. Il faut cesser d’exporter aussi massivement les produits de la mer. Cela passe par l’instauration d’un modèle de développement endogène accordant la pêche artisanale avec les territoires locaux et en diversifiant son approche côtière. On s’en rend ici bien compte : les problèmes de cette activité sont loin d’être résolus.

Emplois de dernier recours

L’expérience nous montre que la pression sociale et politique fera en sorte que la pêche artisanale restera considérée comme le secteur d’emplois de dernier recours, aussi longtemps qu’il n’y en aura pas d’autres disponibles. Il faut par ailleurs reconnaître qu’on utilise plus d’engins que ce qui est nécessaire pour exploiter la ressource. On pourrait en limiter le nombre, notamment la quantité des casiers à poulpes et d’hameçons, ainsi que la longueur des filets. On pourrait aussi fixer des limites quant à la taille des bateaux et la puissance des moteurs. Lorsque les ressources sont déjà surexploitées, ce n’est pas un nombre accru d’engins de pêche ni de meilleurs équipements qui vont permettre de produire davantage de poissons. Au contraire : cela ajoutera une nouvelle pression sur la ressource.

Un secteur informel s’est développé ces dernières années, mettant en œuvre un véritable système intégré d’approvisionnement, achat, stockage et commercialisation. Ce secteur assure aux mareyeurs l’exclusivité de l’achat des produits halieutiques. Plusieurs magasins d’approvisionnement et d’entrepôt pour la collecte, la manutention et la conservation des débarquements ont été ainsi implantés à Nouadhibou par les mareyeurs en différents zones du port de pêche artisanale, confirmant l’importance et le mérite du mareyage dans le développement de celle-ci.

L’importance croissante dans le futur de la pêche artisanale devrait déplacer une bonne partie de la pêche industrielle. Avec une gestion plus précise des ressources halieutiques, l’option artisanale peut s’avérer à la fois productive et rentable. Il s’agit donc de développer une conception plus cohérente et approfondie concernant l’état général de ce secteur pour mesurer le progrès général. Nous sommes à cet égard disponible à développer une méthodologie technique claire et précise répondant aux exigences de développement de ce secteur vital, pour mesurer objectivement les changements réalisés, évaluer les tendances et présenter des solutions adéquates. Un souci gestionnaire à la mesure des enjeux.

Car – il convient ici de le rappeler encore – le secteur de la pêche artisanale emploie quelque deux cent mille personnes, emplois directs et indirects, et fait vivre une frange importante de la population. Mais cette activité reste précaire. Exercée dans la plupart des cas sans moyens financiers suffisants, elle reste en situation de dépendance des aléas, interdisant toute accumulation d’épargne susceptibles d’être investie dans son développement. Il est donc nécessaire de valoriser et encourager l’attachement au métier de pêcheur artisanal, seul gage de durabilité du savoir-faire et de la conservation des ressources halieutiques, en appuyant la formation des artisans, notamment par une contribution de la communauté locale liée à cette activité.

Une politique déclinable selon toute une diversité d’actions : appuyer l’approche « genre » au sein de la communauté des pêcheurs par des programmes spécifiques afin d’améliorer leur situation familiale précaire ; réorganiser les associations de pêcheurs en vue d’assurer une meilleure gestion des ressources ; combattre la pêche illégale par l’encouragement de projets du style « agir ensemble pour le bien du pays » ; assurer l’implication des pêcheurs artisanaux dans de nouveaux plans de gestion ; engager à l’égard de ceux-là des cours de formation et de qualification, comme dit tantôt ; et, enfin, prévenir la pollution solide et liquide en sensibilisant sur son impact à l’encontre des ressources halieutiques.

Concluons. Répondre à l’augmentation de la demande locale en produits de la mer nécessite une gestion plus durable des ressources qui profite à tous. La pêche artisanale joue aussi un rôle important dans l’approvisionnement alimentaire de la population locale. Mais, si l’essentiel des captures est vendu sur le marché national, leur congélation et leur conditionnement à des fins d’export font peser un véritable risque sur la sécurité alimentaire des Mauritaniens. Celui d’un épuisement des stocks et cela demande une stricte maîtrise de l’effort de pêche. L’approvisionnement en poisson est aujourd’hui perturbé. Ces risques socio-économiques et environnementaux rendent impérative la mise en place d’un mode de gestion plus durable des ressources afin d’assurer leur pérennité et la sécurité alimentaire des populations locales.

Cheikh Ahmed ould Mohamed

Ingénieur

Chef du service Études et Développement

Établissement portuaire de la Baie du repos (Nouadhibou)

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