Mauritanie-Drame en République dominicaine – Un proche d’une victime se confie : “Il avait juré que jamais il ne prendrait une pirogue pour rejoindre l’Europe”
Il fait partie des personnes dont la pièce d’identité a été retrouvée dans la pirogue qui a échoué en République dominicaine avec 14 cadavres. Yankhoba Tall, 33 ans (voir photo ci-dessous), était un tailleur domicilé à Malika et établi en Mauritanie. Après avoir retrouvé la famille de Sidane Wade, celle de Yakhoba a été aussi retrouvée. Son cousin, Abdoul Moussa Wone, nous parle de lui dans cette interview.
Vous êtes le cousin de Yakhoba Fall, mort dans la pirogue retrouvée en Dominique. Quand a-t-il communiqué avec ses proches pour la dernière fois ? Savez-vous la date de départ de la pirogue et que savez-vous de ce voyage ?
Effectivement, Yankhoba Tall était mon cousin. Il vivait chez nous à Malika, avant de rejoindre la Mauritanie. Notre dernière conversation remonte au mois de décembre 2023. Il a communiqué avec son père au courant du mois de janvier 2024. Il a parlé de son intention de voyager à son père. Malheureusement, ce dernier n’a pas pu l’en dissuader. Honnêtement, on ignore la date du départ, il ne m’en a jamais parlé.
D’après les informations sur le Net, ils auraient embarqué le 22 janvier. Son père a, d’ailleurs, dit avoir reçu un appel venant de la Dominique. Son interlocuteur s’exprimait en espagnol, selon lui. C’est après qu’il a envoyé l’indicatif du numéro à un ami et ce dernier lui a confirmé que cet appel venait de la République dominicaine.
Comment avez-vous appris la nouvelle de ce drame ?
Je l’ai apprise comme tout le monde, sur les réseaux sociaux. C’est mon jeune frère qui m’a montré la publication sur Facebook. C’est sa pièce d’identité qui nous a permis de savoir que c’est effectivement Yankhoba.
Étiez-vous au courant de son intention de prendre la pirogue ? Si oui, étiez-vous d’accord ? Avez-vous mené des recherches pour le retrouver ?
Yakhoba ne m’a jamais parlé de son projet de voyage en pirogue. D’ailleurs, il n’a jamais été pour les voyages en pirogue. Ça n’a jamais été son souhait. Je ne sais pas quand et comment il a été influencé, mais c’est vraiment inexplicable. D’ailleurs, je me souviens ce jour où l’on suivait un documentaire sur l’émigration irrégulière. Il s’est retourné et m’a dit : « Jamais au plus grand jamais, je n’emprunterai ces embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe. » Je suis resté des mois sans avoir de ses nouvelles. Mais j’ai tout le temps essayé d’entrer en contact avec lui, en vain.
Il avait cédé son WhatsApp à sa femme. Au début, je pensais que c’était lui et qu’il refusait de me répondre. C’est par la suite que sa femme m’a dit que c’est elle qui avait le WhatsApp de son mari. À chaque fois que je lui demandais des nouvelles de son mari, elle me disait qu’il allait bien. Après, je lui ai dit de me passer un numéro sur lequel je pourrais le joindre, elle m’a envoyé un numéro, mais ça ne fonctionnait pas.
Comment la famille vit-elle ce drame ?
C’est très difficile. La famille tient le coup. Sa maman est toujours sous le choc ; elle est abattue, attristée. Je n’ai même pas les mots pour qualifier son désarroi. Elle s’en remet au bon Dieu, malgré tout. Mais c’est très dur pour elle, surtout que Yankhoba était son fils aîné.
Et sa femme ?
Elle a eu deux enfants avec Yankhoba. Elle est brisée. Elle est sous le choc. Elle n’en revient pas.
« Yakhoba était sympathique, souriant, taquin et courtois. Ambitieux, son rêve a toujours été de réussir pour mettre sa famille à l’abri. C’est ce qui l’a poussé à aller en Mauritanie où il s’est marié»
Quel était son métier ? Parlez-nous de sa personnalité.
Yankhoba était un tailleur. C’était un jeune homme sympathique qui avait toujours le sourire aux lèvres. Taquin et courtois, il aimait la vie. Il était aussi ambitieux. Son rêve a toujours été de réussir pour mettre sa famille à l’abri. C’est ce qui l’a poussé d’ailleurs à aller en Mauritanie où s’est marié et a fondé une petite famille. Il était pieux, il ne ratait aucune prière et essayait toujours d’être sur le droit chemin. Il avait un sens élevé de la responsabilité.
Depuis quand vit-il en Mauritanie ?
Il s’est installé en Mauritanie depuis 2019 comme tailleur, un métier qui marche bien dans ce pays. Il ne venait que durant les fêtes.
Connaissez-vous des amis avec qui il a voyagé ?
Non , je ne les connais pas.
Avez-vous été contacté par les autorités pour un probable rapatriement du corps et quel message leur lancez-vous ?
On n’a pas encore été contacté par les autorités pour un probable rapatriement du corps. Nous disons aux autorités de nous aider à rapatrier le corps pour l’inhumer dignement, afin qu’on puisse se recueillir souvent sur sa tombe.
La famille a-t-elle commencé la cérémonie funéraire et comment la population de Malika vit-elle cette situation ?
La famille a commencé les funérailles le vendredi dernier à la maison familiale. La population de Malika vit cette situation douloureusement, entre consternation et interrogations.
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