Israël utilise la faim comme “arme de guerre” dans la bande de Gaza, dénonce Médecins du monde

Dans un rapport, l’ONG alerte sur la “malnutrition aigüe” provoquée par le blocus israélien sur l’acheminement de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne.
Quatorze pages qui “mettent en évidence la responsabilité humaine de la faim à Gaza”. Dans un rapport publié mardi 13 mai(Nouvelle fenêtre), Médecins du monde alerte sur “la malnutrition aiguë” qui “frappe de plein fouet” l’enclave palestinienne dans laquelle plus aucune aide humanitaire n’entre depuis deux mois avec le blocus total d’Israël. “Les restrictions intolérables imposées par les autorités israéliennes sur l’acheminement de l’aide à Gaza se sont aggravées depuis le 2 mars 2025, déplore l’ONG, qui dénonce l’utilisation de la faim comme “arme de guerre”. Le siège total instauré par les autorités israéliennes prive 2 millions de personnes de toutes les ressources essentielles.”
“Le manque de nourriture, d’eau et de matériel médical menace dangereusement la survie des Palestiniens.”
Médecins du monde dans son rapport
L’ONG se dit notamment préoccupée par l’état de santé des nourrissons et des futures mamans. “En 2024, près d’un bébé de moins d’un an sur quatre et 19% des femmes enceintes et allaitantes ont été identifiés comme souffrant de malnutrition aiguë, rapporte l’ONG. En moins d’un an et demi, les taux de malnutrition aiguë à Gaza ont atteint des niveaux similaires à ceux de pays confrontés à des crises de malnutrition de longue durée.” Une situation due selon Médecins du monde aux “décisions des autorités israéliennes d’autoriser ou de bloquer l’aide humanitaire”.
“En 2024, les pics des taux de malnutrition aiguë observés au sein des centres de Médecins du monde ont coïncidé avec la baisse la plus importante du nombre mensuel de camions acheminant l’aide à Gaza.”
Médecins du Monde dans un rapport
L’ONG rappelle que “l’épuisement des réserves alimentaires dans l’enclave provoquée par le siège israélien, la destruction des infrastructures agricoles de Gaza par les bombardements israéliens et le pillage des convois humanitaires ont entraîné une forte pénurie alimentaire, une flambée des prix et un accès limité aux denrées alimentaires essentielles, causant ainsi un apport nutritionnel insuffisant généralisé”.
Un “défi” pour manger et boire
Médecins du Monde s’appuie sur les témoignages de ses équipes qui opèrent dans les derniers centres de soins encore ouverts. Sous couvert d’anonymat, une infirmière de l’ONG raconte avoir été “profondément touchée” par le cas d’une petite fille de 4 ans souffrant de malnutrition aiguë, amenée par sa mère dans le centre de soins d’Al Bahar, à Deir-Al-Balah. “La perte importante des cheveux était le symptôme le plus frappant et accablant de sa condition médicale, s’émeut-elle. Ses cheveux tombaient par touffes, laissant son cuir chevelu presque nu. Avec son apparence frêle, elle ressemblait à une personne âgée ayant subi une chimiothérapie. Cette scène fut choquante et douloureuse, pas seulement pour moi, mais aussi pour sa mère.”
“La malnutrition aigüe entraîne des conséquences désastreuses et durables sur la santé physique et mentale et sur le développement de l’enfant et de la femme enceinte.”
Médecins du monde dans son rapport
Après quinze mois d’offensive israélienne sur la bande de Gaza, Safaa Abed confie avoir elle aussi perdu du poids : 5 kg. Ses parents en ont perdu une vingtaine eux. “On doit se battre tous les jours pour avoir ne serait-ce qu’un seul repas, et dans des petites quantités”, témoigne cet étudiante gazaouie de 21 ans, que franceinfo a pu joindre via WhatsApp.
“A table, souvent, ma mère ne mange pas. Elle préfère garder de la nourriture pour mes jeunes frères et sœurs.”
Safaa Abed, étudiante gazaouie à franceinfo
“Même faire du pain est un véritable défi, se lamente la jeune femme. Car il n’y a pas de gaz de cuisson. Nous devons brûler tout ce qui nous tombe sous la main, même si cela nous cause des problèmes respiratoires, car il n’y a pas de bois pour le feu.” L’accès à l’eau est aussi un “défi”. “Mon petit frère et ma nièce se rendent tard le soir à un point d’eau, en espérant éviter les longues files d’attente. Ils ont même noué une amitié avec le propriétaire”, explique-t-elle via WhatsApp.
Une partie des ustensiles de cuisine que la famille de Safaa Abed utilise pour se nourrir, dans la bande de Gaza. (SAFAA ABED)
Une partie des ustensiles de cuisine que la famille de Safaa Abed utilise pour se nourrir, dans la bande de Gaza. (SAFAA ABED)
La nuit, Safaa Abed rêve d'”une table bien garnie” avec “un repas chaud et savoureux”, “une assiette de poulet grillé” et “un dessert sucré”. Au réveil, pourtant, cette jeune habitante de la bande de Gaza a découvert sa nièce, “encore bébé”, en train de “pleurer” car “sa mère n’a pas pu manger correctement après son accouchement”. Quant à ses jeunes frères et sœurs, ils “réclamaient des gourmandises toutes simples : un sandwich, des chips, des frites…” Le chocolat et les bonbons sont aujourd’hui de lointains souvenirs”, conclut l’étudiante. Dans son rapport, Médecins du monde “exhorte les dirigeants du monde à intervenir immédiatement contre les violations graves du droit international humanitaire”.
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