“Marges de vérité: Ould Khattri électrocuté!

Dans les marges opaques du pouvoir, où l’électricité cesse d’être une simple commodité pour devenir un levier d’alignement institutionnel, le limogeage d’Ahmed Ould Khatri, ex-directeur général du port de Tanit, n’est pas un fait administratif. C’est un symptôme. Un révélateur de ces lignes de tension qui traversent l’État mauritanien, où le technicien se mesure au politique, et où parfois, la facture impayée devient un acte de défiance.
Officieusement, le Conseil des ministres a justifié ce renvoi par la crise de l’électricité au port de Tanit. Une coupure brutale, signée de la SOMELEC, qui invoque des arriérés impayés comme cause de la suspension de service. Mais toute lecture naïve de cet événement passerait à côté de l’essentiel : cette coupure n’est pas qu’énergétique, elle est symbolique. Ce n’est pas la lumière qu’on a éteinte, c’est un rapport de force qu’on a tranché.
Car derrière le bras de fer se dresse l’ombre d’un homme-clé : Sidi Ould Salem, directeur général de la SOMELEC, mais surtout figure redoutée de l’appareil technocratique, réputé pour son entregent, sa capacité d’imposition et sa lecture stratégique des rapports inter-institutionnels. Dans le conflit qui l’opposait à Ould Khatri, ce n’était pas seulement une affaire de créances. C’était une lutte d’autorité. Un message adressé à tout l’appareil administratif : nul ne résiste à la chaîne de commande énergétique.
La mutation d’Ahmed Ould Khatri en simple chargé de mission au ministère de la Pêche est une relégation douce, une mise à l’écart codée dans le langage bureaucratique. C’est une forme de bannissement à la mauritanienne, où l’on sauve la face tout en signifiant la perte. L’homme, hier patron d’un carrefour stratégique — le port de Tanit, interface vitale entre les politiques halieutiques et la diplomatie maritime — se retrouve aujourd’hui sans gouvernail.
Quant à son successeur, Alienne Ould Maatalla, il hérite d’un chantier à la fois matériel et symbolique. Rétablir le courant, au sens propre comme au figuré. Réparer l’image d’un port devenu le théâtre d’un désordre infrastructurel. Et surtout, se mouvoir dans une géographie politique où l’énergie est une monnaie, la dette une arme, et le branchement une allégeance.
Ce qui vient de se produire à Tanit n’est pas une crise énergétique. C’est une démonstration de pouvoir. Un rappel que, dans l’architecture mauritanienne, ceux qui maîtrisent le courant tiennent la continuité de l’État. Ould Khatri n’a pas été renversé, il a été court-circuité.
Chronique de Mohamed Ould Echriv Echriv

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