Kinross engrange des milliards, la Mauritanie récolte des miettes

Alors que la multinationale canadienne Kinross Gold affiche des résultats financiers exceptionnels, selon les médias spécialisés, un constat s’impose : la Mauritanie, pays hôte de l’une des plus importantes mines du groupe en Afrique de l’Ouest, ne bénéficie que très marginalement de cette prospérité.
Au deuxième trimestre 2025, Kinross a dépassé toutes les prévisions du marché. Son action a grimpé de 3,3 %, portée par un bénéfice ajusté de 0,44 $ par action — bien au-dessus des 0,32 $ anticipés par les analystes. Le chiffre d’affaires a atteint 1,73 milliard de dollars, soit une progression de 42 % sur un an.
Durant cette période, la société a extrait plus de 512 000 onces d’or, vendues à un prix moyen historique de 3 284 $ l’once. Cette envolée des cours a permis à Kinross de dégager une marge bénéficiaire record de 2 204 $ par once, un bond spectaculaire de 68 %. En parallèle, le flux de trésorerie libre a atteint 650 millions de dollars (+74 %), tandis que le flux de trésorerie opérationnel a flirté avec le milliard de dollar.
Où est la part du pays dans tout ça?
Malgré l’exploitation continue de la mine de Tasiast, pilier de la production de Kinross, l’État mauritanien n’a réellement pas d’influence réelle sur la stratégie commerciale, les volumes exportés ou la fixation des prix.
Malgré ses performances, 622 394 onces en 2024, qui a permis à Kinross de surpasser ses prévisions de 610 000 onces soit 29 % de la production attribuable de la compagnie, il n’y a pas de retour de l’ascenseur au pays source de son embellie financière. Et le déséquilibre des profits tirés ne date pas d’hier. En 2020, l’accord renégocié avec Kinross avait déjà été critiqué: il prévoyait un système de redevances plafonné entre 3 et 6,5 %, applicable uniquement lorsque le prix de l’or dépasse les 1 800 $. Or, à plus de 3 300 $ l’once actuellement, la manne échappe largement au Trésor mauritanien.
Des exonérations fiscales… et des retombées marginales
Comme si cela ne suffisait pas, Kinross continue de bénéficier d’un ensemble d’exonérations fiscales avantageuses : carburant détaxé, remboursements de TVA, etc. Pendant ce temps, ses dépenses locales seraient plus contenues avec des dépenses locales inférieures au seuil des 2 milliards de dollars en 2020, et la masse salariale — désormais sous la barre des 300 millions — interrogent, alors même que la « mauritanisation » des emplois reste partielle.
À Toronto et à New York, les actionnaires peuvent donc se frotter les mains. En Mauritanie, les retombées restent maigres. L’or coule à flots, mais les bénéfices réels pour le pays restent marginaux d’où l’urgent de remettre sur la table la question de la redistribution équitable des dividendes tirées des ressources naturelles et leurs aléas sur notre environnement. A ce stade, c’est Kinross qui gagne des milliards, pendant que la Mauritanie tire les marrons du feu.
Pourquoi ce silence?