Mauritanie : la farine de poisson victime d’une vision réductrice (acteur)

Dans un entretien avec nos confrères du « Le Quotidien » sénégalais, Mohamed Lemine Areira, l’un des acteurs dominants du sous-secteur de la farine de poisson met en garde contre le fait que derrière la polémique sur la farine de poisson se cache un secteur halieutique à l’agonie.

À Nouadhibou, capitale économique de la Mauritanie, les cheminées des usines de farine et d’huile de poisson tourneraient au ralenti. Sur les 29 unités existantes, seule une moitié fonctionne encore martèle Mohamed Lemine Ould Areira dans un entretien accordé à un journal sénégalais.
Au cœur de cette crise, Areira, acteur reconnu de la filière, tire la sonnette d’alarme : « Le secteur frise l’arrêt total si rien n’est fait. »
Production en chute libre : un effondrement inédit
Le constat dressé par Ould Areira est sans appel : les exportations, qui atteignaient autrefois 200 000 tonnes de farine et 80 000 tonnes d’huile de poisson, sont tombées à respectivement 70 000 et 20 000 tonnes. Par ailleurs, l’activité qui générait entre 2018 et 2021, 500 millions USD en devises, peinait à en faire 100 millions USD en 2024.
Pour l’interviewé, cette chute s’explique par des causes structurelles ignorées depuis trop longtemps : zonage inadapté, destruction des juvéniles par les senneurs, incursions dans les zones sensibles du banc d’Arguin, absence de régularisation des pêcheurs étrangers, et lenteurs administratives paralysantes. Autant de facteurs qui privent, selon lui, les usines de leur matière première.

Une filière indispensable à l’économie nationale

Mohamed Ould Areira rejette la vision réductrice de l’activité et prétend que cette industrie ne se contente pas d’exporter : elle fait vivre des milliers de Mauritaniens : ouvriers, pêcheurs, transporteurs, techniciens de maintenance, agents portuaires… Dans les villes côtières comme Nouadhibou ou Ndiago, la filière constitue l’un des rares pôles d’emploi stables pour les jeunes et les femmes.
Les sous-produits transformés — arêtes, viscères, têtes, résidus de filetage — permettent de réduire le gaspillage tout en alimentant des marchés internationaux essentiels : engrais agricoles, aliments pour l’aquaculture, cosmétiques et produits pharmaceutiques riches en oméga 3.
Mais pour M. Areira, cette colonne vertébrale économique est aujourd’hui en train de se briser sur les vagues.
Ould Areira réfute la mauvaise publicité faite à l’activité notamment sur les réseaux sociaux où l’industrie est souvent décrite comme un fléau écologique. « Les usines opèrent dans un cadre réglementaire strict. Des contrôles sont effectués, et beaucoup ont investi dans des systèmes de traitement des eaux usées et d’épuration des fumées. »
Il reconnaît toutefois que des manquements existent — comme dans tout secteur industriel — mais dénonce leur généralisation abusive. Selon lui, les progrès technologiques réalisés ces dernières années sont rarement portés à la connaissance du public, alimentant un fossé entre perception et réalité d’où la désinformation dont pâtirait l’activité.
Pour lui, la polémique actuelle est largement entretenue par un manque de communication institutionnelle et par des campagnes émotionnelles sur les réseaux sociaux.
Les images virales de déchets en mer ou d’odeurs nauséabondes ne prennent pas en compte l’ensemble du processus industriel ni les efforts environnementaux réalisés. Pour lui, l’objectif est de promouvoir une cohabitation harmonieuse entre production, environnement et société.
Il appelle à un débat plus équilibré, fondé sur les données, les inspections réelles et une transparence accrue du ministère des Pêches avant d’exhorter à des réformes comme le zonage pour aligner la pêche sur les zones de migration des espèces ; la réduction de la fiscalité jugée punitive (24 % du chiffre d’affaires)…

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