CMW : Entre avancées normatives et suspicions liées à la politique d’externalisation des frontières de l’Ue

Le Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CMW) a examiné, hier et aujourd’hui, le deuxième rapport périodique présenté par la Mauritanie dans le cadre de la Convention internationale relative aux droits des travailleurs migrants.
Au cours du dialogue, les experts du Comité ont salué les avancées normatives engagées par Nouakchott, notamment la création d’un tribunal spécialisé pour lutter contre l’esclavage, la traite des personnes et le trafic illicite de migrants. Ils ont toutefois souligné que le pays faisait face à une crise migratoire « sans précédent » et ont interrogé la délégation sur l’effectivité de plusieurs mesures et stratégies nationales.
Les experts ont demandé des précisions sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de gestion de la migration, valable jusqu’en 2030, en particulier concernant la gestion intégrée des frontières et la coopération internationale. Ils ont également exprimé des préoccupations relatives aux allégations selon lesquelles la Mauritanie serait devenue un point clé de la politique d’externalisation des frontières de l’Union européenne, conduisant à des expulsions illégales et à un renforcement massif des contrôles depuis l’accord conclu en 2024 avec l’UE.
Plusieurs membres du Comité ont relayé des inquiétudes quant à des renvois ne respectant pas les normes juridiques, à des arrestations arbitraires de migrants, et à des expulsions collectives sans possibilité de recours. Des accusations d’inégalités d’accès à l’emploi, au crédit ou à la propriété foncière ont également été évoquées.
Les experts ont par ailleurs demandé des informations sur les conditions de vie des réfugiés maliens installés dans des camps en Mauritanie, lieux auxquels les organisations de la société civile n’auraient pas accès. Ils ont également mentionné des cas selon lesquels des migrants expulsés se seraient vu confisquer salaires et biens.
Présentant le rapport, le Commissaire aux droits de l’homme mauritanien, Sid’Ahmed Ely Benane, a souligné que la migration constituait une composante historique majeure de la société mauritanienne. Il a affirmé que la protection des droits des travailleurs migrants était pour le pays un « devoir juridique ».
Selon lui, la Mauritanie accueille aujourd’hui près de 400 000 réfugiés, majoritairement maliens, auxquels sont garantis l’accès à l’état civil, au marché du travail, aux activités génératrices de revenus, ainsi qu’aux services d’éducation et de santé.
Le Commissaire a également mis en avant le renforcement du cadre législatif et institutionnel du pays, ainsi que la révision récente de la Stratégie nationale de gestion des migrations. Il a rappelé qu’une opération gratuite de délivrance de cartes de séjour avait permis de régulariser 147 000 étrangers en 2022.
La délégation a en outre affirmé que l’accord de 2024 avec l’Union européenne ne confiait pas à la Mauritanie la gestion de flux migratoires au nom de l’Espagne ou de l’UE, mais portait notamment sur l’aide apportée aux réfugiés maliens et aux communautés hôtes. Elle a insisté sur le fait que la Mauritanie assumait seule, pour l’essentiel, l’accueil de plus de 400 000 réfugiés représentant près de 10 % de sa population.