Citoyenneté : Sommes-nous véritablement égaux devant la loi?
Les lois même les plus scélérates sont équitables, parce qu’impersonnelles serait-on tenté de dire. Mais leur application par les hommes est souvent injuste. Pourtant, la justice rendue à la tête du client crée des ressentiments, suscite des frustrations…un malaise endormi qui pourrait entrer en éruption.
« La République assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi ». C’est l’article premier, alinéa 2, de la troisième Constitution en vigueur dans notre pays. Un principe qui n’a pas changé malgré les différentes réformes apportées au texte fondamental. Mais cette maxime n’est malheureusement plus qu’un pâle souvenir quand il s’agit de la traduire sur le terrain de la pratique. Au contraire, d’ailleurs elle devient une véritable source de préoccupation quand elle se mue en une inégalité de fait « garantie par l’Etat» en présence de citoyens de première et seconde zone.
Les terrains de la manifestation de cette injustice sont nombreux mais par souci de concision limitons ce droit à l’égalité (ou devoir) devant la loi aux affaires de vols, de mauvaise gestion, de détournement de deniers publics…L’on se rend compte, rien qu’à visiter, les prisons de Mauritanie et parfois même les commissariats de police que des dizaines des centaines de citoyens ordinaires y croupissent souvent pour de petits larcins. On y retrouve parfois des enfants qui ont dérobé un téléphone et parfois un pneu de secours d’une voiture. Ces damnés de la République peuvent rester des mois en attendant de comparaitre devant un juge (ou qu’il veille bien s’en souvenir). Dans le subconscient de beaucoup d’entre nous ces personnes, victimes de leur condition de pauvreté, sont automatiquement des «présumés coupables » contrairement à l’esprit de la loi. Et pour les enfoncer davantage dans le vice le temps qui leur est opposé dans cet environnement malsain les expose à l’endurcissement. C’est comme cela souvent qu’on fabrique les délinquants car «qui a volé un œuf, volera un bœuf». Loin donc de nous est l’idée de débattre du mobile et de la rééducation notamment chez les jeunes broyés par la pauvreté et une société de plus en plus insouciante à leurs sorts.
Les gloutons.. pickpockets de luxe
Pendant ce temps, des hommes et femmes ministres, secrétaires et directeurs généraux qui détournent ici des dizaines voire des centaines de millions des caisses de la République ; récidivent ailleurs jonglant avec les maigres ressources du pays par les temps qui courent? Sauf exception marginale, ce «beau » monde rompu, de père en fils, à la politique à la mauritanienne, n’est jamais inquiété. Pire, quand ils sont surpris la main dans le sac par les limiers de la République pour des détournements avérés, ils suscitent bien de la sympathie de notre justice à deux vitesses. Leurs dossiers restent «pendus». Ils peuvent être réhabilités et réaffectés par le système politique vers d’autres responsabilités encore plus juteuses. A quelques rares exceptions, ce sont depuis l’Indépendance du pays, les mêmes familles et personnels politiques qui s’alternent et se servent sur le compte de la Princesse.
Ils peuvent donc s’acheter des «résidences secondaires» à Las Palmas ou au Maroc voisins, se payer des escapades estivales aux Bahamas, ou aux Iles Maldives (c’est de saison !), lécher les vitrines parisiennes et en ramener des tonnes à Nouakchott, sans être inquiétés. Ces nouveaux riches vivant aux crochets de l’Etat, sont aujourd’hui l’archétype du citoyen «modèle» suivant le prisme déformant d’une société qui a perdu ses repères. Et les exemples sont là « bons vivants » à narguer la République et les citoyens aux votants de véhicules rutilants acquis aux dépens du citoyen lambda. Qui ose encore, en pratique, parler d’une égalité devant la loi ?
Quelle coïncidence. Le gouvernement aurait annoncé l’organisation d’états généraux sur la justice à travers des forums publics car comme le reconnait le ministre de la Justice, Mohamed Mahmoud Ould Cheikh Abdoullah Ould Boya, «il est devenu urgent d’ouvrir une réflexion sur l’état de lieux de la justice mauritanienne : notamment sur le renforcement de son indépendance et des capacités de ses ressources humaines, de sa modernisation, sur la situation des prisons ». Vaste programme.