Le champ gazier BirAllah : un nouveau contrat d’exploration, des défis à surmonter et des perspectives prometteuses
Le champ gazier Bir Allah, la découverte de gaz la plus prometteuse dans le monde en 2019, est considéré, jusque-là, comme l’un des plus importants champs gaziers en Afrique de l’Ouest. Il est la consécration des opérations d’exploration menées par BP et Kosmos Energy en offshore depuis 2012 et qui ont abouti, également, à la découverte de Grand Tortue Ahmeyim (GTA), réserves communes à la Mauritanie et au Sénégal et dont on attend, sauf imprévu de dernière minute, « the first gas» en 2023.
Les réserves estimées de BirAllah sont de l’ordre de 50 trillions de TCF de gaz, confirmées après le forage de « Marsouin 1 », en 2015, et de « Orca 1 », en 2019, avec une profondeur dépassant les 2500 mètres sous la mer.
Le champ gazier BirAllah se situe dans le bloc 8 du bassin côtier mauritanien, à près de 60 kilomètres au nord de GTA, et à environ 100 kilomètres des rivages mauritaniens, en face de la zone de Ndiago, dans la wilaya du Trarza.
Un nouveau contrat d’exploration et de partage de production
Le bloc C8 contenant le champ BirAllah fait partie de quatre autres pour l’exploration du pétrole et du gaz octroyés par le gouvernement mauritanien, en 2012, à la société américaine Kosmos Energy.
Dès l’annonce de ces importantes découvertes de gaz à GTA et BirAllah, la société britannique British Petroleum (BP) a racheté 60% de l’ensemble de ces blocs devant ainsi le principal opérateur devant piloter les opérations de développement et d’exploitation du gaz dans ces deux champs.
Malgré l’avancement des travaux au niveau du champ commun entre la Mauritanie et le Sénégal (GTA), la société BP a choisi de sursoir à ses activités de développement de BirAllah jusqu’à l’arrivée à échéance de son permis d’exploitation, Mai 2022, ce qui a rendu nécessaire la reprise de tout le processus pour rendre possible la poursuite de la coopération entre cette société et le gouvernement mauritanien pour le développement et l’exploitation de cet important champ gazier.
C’est dans ce cadre que le gouvernement mauritanien a approuvé, en juin 2022, le projet de décret autorisant l’actualisation des données du champ de BirAllah et son octroi, dans un nouveau contrat d’exploration et de partage de production, pour sortir cette zone du domaine pétrolier, du processus d’appel à concurrence dont il est question dans l’article 18 du Code des hydrocarbures bruts. Et c’est en fonction de ces procédures qu’un permis d’exploration a été octroyé, de nouveau, au duo BP/Kosmos Energy, le 11 octobre 2022, suivant un nouvel accord d’une durée de 30 mois. Cette durée est susceptible d’être suffisante pour mener les nouvelles études préparant la signature de la décision finale d’investissement et le démarrage des travaux de développement et d’exploitation du champ BirAllah.
Le taux de participation de l’Etat
Selon le communiqué publié par le ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines, le nouvel accord permet à la Mauritanie de relever son niveau de participation dans le champ de BirAllah à 29% au lieu des 14% prévus dans les contrats précédents, comprenant le CPP du champ GTA pour le gaz en partage entre la Mauritanie et le Sénégal.
Dans un entretien avec « La Vision », le directeur général des Hydrocarbures au ministère du Pétrole, M. Moustapha Ould Béchir, a expliqué que le relèvement du taux de participation de l’Etat dans le champ BirAllah va lui permettre de mettre en œuvre son plan directeur de l’exploitation du pétrole et du gaz. Ce plan a pour objectif d’insérer les ressources financières tirées de l’exploitation du gaz dans le tissu économique national et parvenir ainsi à en tirer le meilleur profit possible des revenus de son exploitation.
Et selon les observateurs, ce taux de participation exceptionnel devrait permettre à l’Etat mauritanien d’avoir une position plus forte au niveau de développement du champ et du choix du meilleur modèle technique et stratégique pour son exploitation. C’est en plus de la participation plus efficiente dans le développement du contenu local dans le choix des sociétés prestataires de services et de recrutement de la main-d’œuvre nécessaire.
L’on pense également que ce taux permettra à l’Etat, s’il le désire, de faire participer d’autres sociétés dans le champ, en contrepartie du développement et de l’exploitation d’autres projets de gaz et de pétrole, comme le champ « Banda » et l’ensemble des puits de gaz et de pétrole se trouvant alentour.
Si l’on considère que l’Etat mauritanien va prendre la décision de financer entièrement sa prise de participation dans le champ BirAllah, la mobilisation des ressources nécessaires sera plus facile, en comparaison avec aux difficultés rencontrées par le gouvernement s’agissant de GTA en partage avec le Sénégal, et ce grâce aux revenus attendus de l’exploitation de la phase I et II de Grand Tortue Ahmeyim.
Des installations d’exploitation Onshore
Les parties prenantes dans le champ de BirAllah ont convenu d’un accord de principe sur la nécessité de développer les infrastructures de l’exploitation de ce champ gazier, au niveau du port de N’Diago, au lieu d’avoir ces installations en pleine mer. C’est en prenant ainsi en considération des caractéristiques techniques et économiques favorables, selon ce qu’a affirmé Ould El Bechir, dans son commentaire sur cet accord entre l’Etat mauritanien et les partenaires BP/Kosmos Energy. Ould El Bechir a ajouté que ce choix aura des répercussions positives dans le domaine de développement du contenu local par la disponibilisation de la main-d’œuvre et la participation active des sociétés locales dans les différentes étapes de développement et d’exploitation du champ, en plus de la facilité d’augmentation de la production et de développement des infrastructures, de manière générale.
Ce choix répond à des sollicitations récurrentes d’observateurs nationaux qui suivent de près le développement de l’économie mauritanienne et qui considèrent que la bonne gestion de ce champ gazier pourrait être d’un apport capital pour le développement local, dans la zone de N’Diago, particulièrement pour le port éponyme construit dernièrement dans cette ville.
La construction des infrastructures à terre de BirAllah répond aussi, plus probablement, à un choix stratégique pour la zone de N’Diago qui va accueillir d’autres infrastructures dans le domaine de l’énergie, notamment le village industriel dédié aux métiers du gaz et du pétrole, et celles destinées à l’acheminement de la part de la Mauritanie provenant du champ GTA.
D’énormes défis et des perspectives prometteuses
Certains observateurs du secteur de l’énergie en Mauritanie évoquent, à propos de BirAllah, de nombreux défis se dressant devant le développement du champ, notamment, le grand retard dans le démarrage des travaux de son développement, dû à plusieurs raisons, dont les conditions économiques nées de la propagation du virus de la Covid-19.
Ces conditions qui ont contraint les sociétés détentrices du permis d’exploitation de BirAllah (BP et Kosmos Energy) à retarder considérablement les procédures préparant l’exploitation de ce champ, surtout que les investissements mobilisés pour l’exploitation de GTA ont augmenté considérablement à cause de la hausse des prix et le retard pris dans la production.
On peut penser, d’autre part, que les nouvelles orientations au plan mondial concernant les énergies renouvelables, sont l’un des principaux facteurs ayant conduit au retard du développement de BirAllah, surtout que la société BP a franchi de grands pas dans d’autres projets de développement et d’exploitation des énergies renouvelables au cours de ces dernières années. C’est probablement ce que souligne l’institut d’Oxford pour les recherches en énergie, dans son dernier rapport évoquant la réticence des pays européens à signer des accords à long termes pour l’achat d’hydrocarbures et la baisse drastique des financements mobilisés par les Etats et les compagnies internationales pour investir dans de nouveaux champs d’énergie fossile.
En attendant le résultat des études préparant le démarrage du développement du projet, le champ BirAllah reste, à ce jour, le plus important projet gazier dans la zone, qu’il s’agisse des réserves importantes, ou de la position géographique qui le place à portée des marchés européens attendant, avec impatience, une alternative au gaz russe.
Ce dernier facteur constitue un facteur important pour l’exploitation du champ, surtout que la plupart des pays européens ont commencé à revoir leurs stratégies de transition vers les énergies renouvelables suite à la crise du gaz née de la guerre russo-ukrainienne. Ce qui offre à BirAllah de nouvelles perspectives et une plus grande attractivité.
Quoiqu’il en soit, le gaz naturel constitue l’un des principaux « ponts » de la transition énergétique vers les énergies renouvelables, vu qu’il est le moins polluant de toutes les énergies fossiles, ce qui le place en bonne position pour cohabiter, longtemps, avec les stratégies visant à lutter contre les changements climatiques, d’une part, et à assurer la sécurité énergétique, d’autre part. M.E