Visite de Sergueï Lavrov en Mauritanie- L’ombre de Wagner?
Alors que notre pays attend la première visite d’un haut responsable de la Russie, en la personne de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, une autre délégation américaine conduite par la sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe aux Affaires africaines, chargée de l’Economie et des Affaires régionales, Joy Basso, est déjà à pied d’œuvre à Nouakchott.
La situation chaotique au Mali où la présence de la milice russe Wagner a été préférée à la présence des armadas de pays membres de l’Otan pour conjurer la menace terroriste, repousse, chaque jour, un peu plus, l’instabilité vers nos frontières orientales.
Notre pays qui paie déjà un lourd tribut de son approvisionnement auprès des principaux belligérants de la crise entre Moscou et Kiev, se retrouve, par la force de la concurrence stratégique entre les russes et les occidentaux, pris entre deux feux. Une situation bien embarrassante pour les autorités qui, en dépit de la coopération poussée avec l’Otan, dont elles sont l’unique partenaire en Afrique de l’Ouest, ont également scellé, en juin 2021, un accord de coopération militaire avec la Russie. Tant que les clivages étaient loin, notre pays pouvait jouer à l’équilibrisme diplomatique, mais aujourd’hui, le choix lui semble, peut-être, cornélien.
La Mauritanie dont les exportations gazières (avec le Sénégal) en 2023 devraient couvrir une bonne partie des besoins occidentaux, avec le démarrage attendu du champ gazier de Birallah, plus important en terme de production, semble donc condamnée à jouer dans la cour des grands à un moment où la bipolarisation entre russes et occidentaux prend indéfiniment la forme d’une troisième guerre mondiale ; à moins que les négociations et le bon sens ne l’emportent sur les cris de guerre ici et là.
Malgré le soutien qu’elle a apporté aux autorités maliennes lors de la crise avec les pays de l’Afrique de l’Ouest qui l’avaient banni, la Mauritanie a quant à elle souffert dans sa chair par les meurtres répétés de ses ressortissants; des tueries attribuées aux milices Wagner qui accompagnent les forces maliennes lors d’opérations de terrain. Jusqu’ici d’ailleurs, la Mauritanie a privilégié la coopération avec le gouvernement transitoire de Goita en espérant qu’il éclaire sur les attaques contre nos compatriotes.
Combien de temps le gouvernement mauritanien va-t-il pouvoir encore maintenir cet équilibre fragile avec toutes les parties en présence? La venue de l’envoyé spécial de Vladimir Poutine qui aura, sans doute, des entretiens avec son homologue mauritanien, Mohamed Salem Merzough, est suivie avec beaucoup d’intérêt par l’Otan et notamment les Etats-Unis d’Amérique déjà en croisade contre tout rapprochement officiel et même privé avec les mercenaires Wagner. C’est certainement le sens de la rencontre de la sous-secrétaire d’Etat américaine adjointe aux Affaires africaines, chargée de l’Economie et des Affaires régionales, Joy Basso avec l’American-Mauritania Business Council, à Nouakchott. Outre, les résultats du Sommet afro-américain de Washington, il pourrait aussi s’agir de ventiler le message officiel que Washington verrait d’un mauvais œil les gouvernements africains et les hommes d’affaires du Continent qui apporteraient leur soutien à des activités russes «malveillantes» à l’égard de l’Otan, en général, et de l’Oncle Sam, en particulier.
Les marges de manœuvres seront particulièrement réduites pour contrevenir à des menaces non voilées…
JD