Sommet pour un Nouveau Pacte financier : Pauvreté, dette, climat et APD en question

Le Sommet pour un Nouveau Pacte financier s’est ouvert, jeudi 22 juin à Paris en présence d’une cinquantaine de chefs d’État, dont le Président de la République, Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Cette nouvelle initiative du Président français Emmanuel Macron vise à initier un cycle de discussions autour des questions de financement et du climat.

Cette importante rencontre regroupe plus de 50 chefs d’États, 70 partenaires du secteur privé et philanthropes, 120 ONGs et 40 organisations internationales. Ses travaux sont déclinés en 6 tables rondes et 50 évènements parallèles prévus pour débattre des thématiques choisies comme, entre autres sujets, le financement du développement, les questions du climat, la pauvreté et la dette.

En disant que cette « rencontre doit être celle des solutions », le Président français ne cache pas son appréhension causée par les échecs répétés – ou les demis succès – de la plupart des sommets organisés, jusque-là, autour des questions de la dette, de la pauvreté et du climat.

Certes, les choses ne vont pas bouger d’elles-mêmes, parce qu’il y a eu un sommet de plus, mais l’ambition déclarée des organisations de la société civile ainsi que de certains pays du Sud est d’entamer, à partir de ce sommet pour un Nouveau Pacte financier, la refonte du système financier international, rendu obsolète par la multiplication des crises. On cherche, par exemple, à accélérer le processus de financements déjà annoncés et à entendre de nouveaux engagements, notamment sur une taxe sur le transport maritime, ce que la plupart des ONGs et chercheurs présents à Paris considèrent comme « un minimum pour retrouver un dialogue en confiance avec le Sud ». Sinon, on se retrouvera dans la situation embarrassante d’un autre sommet « pour rien », estime-t-on.

Annoncé par Emmanuel Macron lors de la COP27, en novembre dernier, le sommet pour un Nouveau Pacte financier est issu d’une rencontre avec Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade qui cherche à concrétiser une idée sur laquelle elle travaille depuis plusieurs années en partant de l’expérience vécue par cette petite île des Caraïbes : l’accès des pays vulnérables aux ressources financières pour répondre au réchauffement climatique. Un défi qui emporte tous les autres mais intenable dans le cercle vicieux de l’endettement. « 93 % des pays les plus vulnérables aux catastrophes climatiques sont en situation de surendettement, ou pas loin de l’être, selon l’ONG Oxfam. Les pays en crise (…) ne peuvent par exemple plus investir dans les services publics ou la lutte contre les dérèglements climatiques. »

Cet aspect du Sommet pour un Nouveau Pacte Financier a, très souvent, été porté par le Président de la République, Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, lors de sommets antérieurs, soulignant, avec force arguments, que l’annulation de la dette africaine est la solution idéale, non un moratoire qui ne fait que retarder le drame (faillite des Etats). Le président de la République est rejoint dans cette orientation de l’annulation de la dette par son homologue tchadien qui estime, parlant du Nouveau Pacte financier, que le sommet de Paris doit être « un nouveau départ, pour un monde juste » et que, « la meilleure façon d’entamer un nouveau départ, c’est de geler la dette des pays à faible revenu. »

Dans la table ronde consacrée au financement des infrastructures, le Président du Sénégal, Macky Sall rappelle que, pour les économies émergentes, « le modèle actuel n’est pas un modèle adéquat.

Oui, pour le climat, mais il y a aussi d’autres priorités. Les pays africains ont déjà payé le tribut pour les dérèglements climatiques mais au prix de leur endettement.

Les règles ne sont plus en adéquation avec les besoins des pays. Elles ne tiennent pas compte, en matière d’infrastructures, de climat, de qui est bien pour les pays du Sud. Il faut donc poser des actes nouveaux, dans l’immédiat, pour ne pas aller vers une réelle fragmentation. »

Citant la promesse des DTS (droits de tirages spéciaux), Macky Sall dira qu’elle n’a jamais été effective à 100%. « Que sont devenus ces engagements ?» s’interroge-t-il, ajoutant que le financement des infrastructures est une urgence pour l’Afrique. Les estimations annuelles sont à 170 milliards pour l’Afrique mais l’accès à ces ressources est limité à cause de la cherté du crédit », révèle le Président sénégalais.

Pour une architecture financière plus démocratique

Le système de financement international est donc au cœur de la problématique que pose le sommet pour un Nouveau Pacte financier. Sans demander à faire table rase de ce qui existe, certains, comme l’initiative de Bridgetown, suggèrent que l’on s’oriente avec détermination vers la réforme des institutions de Bretton Woods, à savoir la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) fondées en 1944. Censées garantir la stabilité macro-économique, elles ne seraient plus, pensent les plus critiques d’entre nous, en phase avec la réalité et les nécessités planétaires du nouveau siècle.

Le Président Tunisien, Kaïs Saïed, estime, lors de l’une des 6 tables rondes, qu’il faut une conception autre pour « pour construire un monde nouveau, où il sera question de partenaires, avec des principes de justices et d’équité pour tous, au niveau international, pour construire un nouveau système une nouvelle architecture financière, car celui que nous avons aujourd’hui est périmé ».

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Mme Kristalina Georgieva, émet des réserves suite aux propos du président tunisien : « Oui, je suis tout à fait d’accord qu’il faut réformer, transformer, ces institutions mais il faut trouver la bonne approche. Le changement est déjà notable.

On est parti d’une quarantaine de membres, à la création de la Banque mondiale, pour arriver aujourd’hui à plus de 200. A lui seul, ce changement appelle à adopter une nouvelle attitude. Pour la question de la dette, je suis encore d’accord qu’il faut accélérer les bonnes propositions et je suis en mesure d’annoncer aujourd’hui que nous sommes à 100 000 milliards de prêts (objectif fixé pour 2021) dont 60% sont destinés aux pays du sud. »

Pour le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, les processus (de restructuration financière au plan mondial) retardé dans les années 90, a été une décennie perdue. Il faut faire face à la réalité. Tout cela est trop lent. En 2000, par exemple, la dette africaine était soutenue à 52% ; aujourd’hui, elle l’est à 25% seulement. La Covid était un défi, comme le sont la dette, le climat mais il y en a d’autres pour lesquels il faudrait aussi que la communauté internationale s’engage plus résolument. Ce nouveau pacte est très important parce qu’il nous permet de faire face aux problèmes de nos liquidités. Un mécanisme (comme une facilité de garantie de liquidités) doit être mis en place pour aider les pays en difficultés avec leurs dettes.

C’est donc que tout le monde ne voient pas les choses de cette façon. Ceux qui sont pour le maintien du système actuel, en attendant des garanties certaines qu’on peut faire mieux, font de la résistance, ne voulant pas lâcher la proie pour l’ombre. Il s’agit, pour la plupart, dans le soutien apporté aux institutions de Bretton Woods, de banques publiques de développement, multilatérales, nationales, régionales, bilatérales etc. Car le changement, s’il doit avoir lieu, passe d’abord par elles dans leurs pratiques et rapports avec les pays du sud qui ont besoin de financer leur développement à moindres coûts.

Ces banques doivent également s’orienter, si elles acceptent le changement qui devrait être initié par le Pacte, à « aider les États à développer et financer un cadre assez incitatif et protecteur pour le secteur privé afin qu’il engage davantage de fonds dans les projets de la lutte contre le changement climatique ». En pratique, elles doivent « passer d’une logique de volume – j’ai fait tant de projets pour le climat – à une logique d’impact – j’ai réussi à déverrouiller un cadre qui permet au privé d’apporter ses capitaux », résume un économiste.

Dépenser mieux donc. « Dépenser plus aussi, en recapitalisant ces banques de développement », plaident les ONG, mais aussi économistes et chercheurs dont les rapports évaluant les besoins en financement des projets destinés au sud à plusieurs centaines de milliards se succèdent. « Il s’agit de multiplier par cinq la capacité d’intervention du système Banque mondiale et banques de développement, et cela en deux à trois ans, analyse Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Ce sont des réformes massives, pas faciles à décider. Cela dit toute la tension très forte qu’il y a entre montrer des volontés politiques sur ce sujet et la difficulté à atteindre des résultats concrets dans un temps relativement court », conclut cet expert.

Il est rejoint par Alice Pauthier, chercheuse à I4CE qui estime que si ce sommet ne dispose pas du mandat pour aboutir à des décisions formelles (comme dans le cadre de l’ONU ou du G20), «son succès résidera dans la constitution de leadership et de coalitions de pays capables d’annoncer des engagements puis de les porter dans les instances adéquates ». Sinon, le Nouveau Pacte financier aura été, tout simplement, une tentative, qui se veut plus réaliste, de « bâtir un nouveau contrat entre le Nord et le Sud », selon les termes de Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères.
Ami

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