Présidence espagnole de l’UE : diriger le Conseil de l’Europe à l’approche des élections
Dans la perspective de la présidence espagnole de l’UE, le Premier ministre Pedro Sánchez a lancé un appel à l’unité européenne. Le socialiste souhaite guider l’Europe à travers la crise, résoudre certaines questions centrales d’ici la fin de l’année, notamment le paquet migratoire et les règles d’endettement, et rendre l’UE moins dépendante de pays tiers. Les élections nationales anticipées de juillet pourraient lui mettre des bâtons dans les roues.
L’Espagne succède le 1er juillet à la Suède à la présidence tournante du Conseil de l’UE dans une période de crise. De plus, il s’agira du dernier mandat complet d’une présidence de l’UE avant les élections européennes du printemps 2024, une période habituellement mise à profit pour clore de nombreux dossiers avant le vote. Alors que des élections anticipées sont prévues en Espagne le 23 juillet et que les sondages indiquent la droite pourrait l’emporter et former un gouvernement, on peut se demander quel en serait l’impact sur l’élaboration de la politique à Bruxelles au cours du second semestre 2023.
Les quatre priorités de la présidence espagnole sont la réindustrialisation, la transition verte, le renforcement de la justice sociale et l’unité de l’UE. « Nous allons accélérer la réindustrialisation et la numérisation de l’Europe. Nous ferons progresser de manière décisive la transition écologique. Nous rendrons l’économie plus prospère mais aussi plus juste, et nous renforcerons l’unité européenne avec de nouveaux instruments et de nouveaux accords », a déclaré le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, la semaine dernière à Madrid lors de la présentation du programme de la Présidence.
M. Sánchez a déclaré qu’en plus de ces quatre priorités, il espérait pouvoir finaliser le nouveau paquet de l’UE sur l’immigration et l’asile. Le Conseil et le Parlement européen doivent maintenant parvenir au consensus sur la relocalisation des migrants pour lequel l’Espagne s’était engagée. « Nous avons toujours dit que l’UE ne devait pas se laisser diviser, nous sommes tous victimes de ces crises. L’Espagne a toujours considéré que nous devions prendre davantage en compte la dimension extérieure du phénomène et développer la coopération avec les pays de transit et d’origine », a affirmé Sánchez.
M. Sánchez a également déclaré que l’Espagne proposerait une imposition minimale des entreprises dans l’ensemble de l’UE afin de « mettre fin une fois pour toutes à l’évasion fiscale des personnes fortunées et des grandes entreprises ». Selon le Premier ministre espagnol, l’évasion fiscale coûte chaque année à l’Union européenne 1,5 point de pourcentage de son produit intérieur brut (PIB), soit le même montant que celui investi dans le logement social et l’environnement, a-t-il déclaré.
Les autres thèmes centraux de la présidence espagnole de l’UE seront la réforme du marché de l’énergie, la révision des règles relatives à la dette du pacte de stabilité et de croissance, et la poursuite du soutien à l’Ukraine.
Des élections anticipées en Espagne
Le Premier ministre espagnol lui-même a minimisé l’importance des élections nationales qui auront lieu pendant la présidence de l’UE de son pays. « Ce n’est pas la première fois que des élections se déroulent durant la présidence tournante, il y a même déjà eu des changements de gouvernement au cours de la présidence », a indiqué Sánchez.
Face aux sondages d’opinion qui laissent entrevoir un futur gouvernement de droite en Espagne, Sánchez a rappelé que le rôle de son gouvernement « n’est pas d’imposer des dossiers ou des débats européens, mais de guider ceux en cours avant l’expiration du délai de six mois ».
Le Premier ministre Sánchez avait convoqué des élections anticipées pour le 23 juillet, après que son Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) eut subi une lourde défaite lors des élections municipales de mai. Il s’agit du deuxième gouvernement dirigé par Sánchez, Premier ministre depuis 2018.
Opportunités géopolitiques : l’UE et l’Amérique latine
Pedro Sánchez veut renforcer les relations avec l’Amérique latine. Le gouvernement espagnol estime que l’UE s’est récemment détournée de l’Amérique latine, alors que les deux régions partagent des valeurs et des principes communs. Comme cela a été souligné lors du sommet ibéro-américain de cette année, l’Amérique latine voit également la présidence espagnole de l’UE comme une opportunité de resserrer les liens.
L’Espagne proposera également une stratégie visant à garantir la sécurité économique et le leadership mondial de l’UE jusqu’en 2030. Cette approche vise à promouvoir des dossiers de développement d’industries et de technologies stratégiques en Europe et de diversification des relations commerciales, en portant une attention particulière à l’Amérique latine. Le sommet UE-CELAC doit se tenir en juillet à Bruxelles ; il a pour objectif de finaliser les accords commerciaux encore en suspens avec les pays du Mercosur, le Chili et le Mexique.
En outre, la présidence espagnole a annoncé qu’elle s’efforcerait d’attirer de nouvelles entreprises en Europe en pleine période de changements géopolitiques, technologiques et environnementaux. Elle considère cela comme une opportunité de réduire la dépendance excessive de l’UE vis-à-vis de pays tiers dans des domaines tels que l’énergie, la santé, les technologies numériques et l’alimentation.
Bulgarie : Schengen reste la priorité absolue
L’Espagne aura toutefois encore d’autres défis à relever au cours de ses six mois de présidence. L’adhésion à Schengen, par exemple, reste l’une des priorités absolues de la Bulgarie. Sofia espère que la présidence espagnole organisera un nouveau vote au plus tard en octobre. Le précédent avait échoué en décembre dernier sous la présidence tchèque, l’Autriche et les Pays-Bas ayant opposé leur veto à l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen.
Depuis, Sofia a reçu le soutien de l’UE pour renforcer ses frontières extérieures et adopté des réformes législatives longtemps attendues dans le domaine de la justice et de l’État de droit. Sofia espère donc que le prochain rapport de la Commission européenne sur l’État de droit, qui doit être publié en juillet, pourra donner un élan supplémentaire à l’élargissement de Schengen.
Mariya Gabriel, la nouvelle vice-Première ministre bulgare, future cheffe du gouvernement et ancienne commissaire européenne, a déclaré en début de semaine à des journalistes qu’elle était optimiste quant aux résultats positifs du rapport et qu’elle s’attendait à ce que le mécanisme de coopération et de vérification mis en place en 2007 pour la Bulgarie soit enfin levé.
Élargissement de l’UE aux Balkans occidentaux
Lors d’une visite en Slovénie à la mi-février, M. Sánchez et le Premier ministre slovène Robert Golob ont souligné leur soutien à l’Ukraine ainsi que l’importance de relever les défis énergétiques et de trouver une réponse européenne commune à la question de la migration. Ils ont également discuté de la politique d’élargissement de l’UE, en mettant l’accent sur les Balkans occidentaux. Les chefs de gouvernement ont souligné l’importance de l’autonomie stratégique de l’Europe, qui sera l’une des priorités de la présidence espagnole de l’UE.
« Nous nous attendons à ce que la question de l’élargissement de l’UE soit à l’ordre du jour de la présidence espagnole. Nous soutenons la décision d’accorder à l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidats à l’adhésion à l’UE, mais nous attendons également que la région des Balkans occidentaux conserve une position centrale dans la politique d’élargissement de l’UE », a dit Miloš Todorović, du ministère serbe des Affaires étrangères. Il a ajouté que la Serbie saluait la présidence espagnole du Conseil de l’UE et espérait que les négociations d’adhésion continueraient à progresser.
Trio présidentiel
La présidence espagnole marque le début du nouveau trio, qui comprend également la Belgique et la Hongrie, pays qui assureront respectivement la présidence au premier et au second semestre 2024. Le trio présidentiel définit des objectifs à long terme et prépare un programme commun des principaux thèmes et questions qui seront abordés par le Conseil sur une période de dix-huit mois. Sur la base de ce plan, les trois États membres élaborent leurs propres programmes détaillés de six mois.
Il s’agit de la cinquième présidence de l’Espagne depuis que le pays est devenu membre en 1986. Elle a assuré la présidence du Conseil pour la première fois en 1989, puis à nouveau en 1995, 2002 et 2010.
Au cours du second semestre de cette année, l’Espagne organisera 21 réunions informelles sur son territoire, chacune dans une ville différente. Une réunion des chefs d’État et de gouvernement de l’UE est prévue en octobre à Grenade.
Reste à attendre le résultat des élections anticipées du 23 juillet, et à voir si le Premier ministre Sánchez sera en mesure de guider l’Europe tout au long de ces six mois décisifs pour clore les dossiers avant les élections européennes.
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