Politique : Tous les partis ne se reconnaissent pas dans le pacte signé
Est-ce à cause du déficit de représentativité de certains de ces signataires ? Est-ce du fait de l’exclusion d’une majorité de partis politiques de l’Opposition et de la Majorité ? Est-ce par contre le désaveu du contenu concocté par les « gauchisants » à l’accord ? Une seule chose est sûre, le Pacte n’apporte pas l’adhésion de toute la classe politique.
Va-t-on assister à une simple alliance politique avant l’élection présidentielle de 2024 entre le parti au pouvoir et deux partis de l’Opposition qui n’ont aucun élu à l’Assemblée nationale ? Ce n’est pas sans doute pas la première fois qu’un document de conciliation politique est signé dans le pays. L’actuel régime est d’ailleurs à l’origine de la dernière tentative de recherche d’un consensus qui avait inauguré la veille des dernières élections de mai 2023. Cependant, l’événement, s’il faut ainsi le qualifier, ne manque pas de relents d’apaisement du champ politique national. Le président Ghazouani s’y était engagé et continue, malgré les couacs de parcours, à le privilégier à une confrontation stérile. Un quatuor a signé ce document. Il s’agit des présidents des partis, Insaf, Mohamed Malainine Ould Eyih, du RFD, Ahmed Ould Dadah, de l’UFP, Mohamed Ould Maouloud, et du ministre de l’intérieur, Mohamed Ahmed ould Mohamed Lemine, représentant le Gouvernement.
Mais il faut bien se rendre à l’évidence que le véritable « cadeau » est donné aux partis politiques de l’Opposition présents à la signature du Pacte qui malgré leur déconfiture se voit «attribuer » la largeur de représenter une classe politique institutionnellement mieux assise. Le président Ghazouani contribue ainsi à la mise en selle de partis politiques en déphasage avec l’électorat. Ils ne risquent pas demain de galvaniser et rassembler autour du président, probablement candidat à sa propre succession, les masses qu’ils prétendent représenter. A voir les réactions des partis de l’Opposition et de la Majorité l’on comprend aisément que ces acteurs crient à l’usurpation de la représentativité réelle pour espérer que les réformes promises se fassent jour. En effet, il est difficile de croire à l’aboutissement d’un Pacte Républicain qui laisse en rade la majorité des acteurs politiques (majorité et opposition). Les mêmes acteurs refusent –c’est bien plus adressé à l’UFP et au RFD qui s’octroient le bon sens par rapport aux autres- le rôle de locomotive des deux formations dans la matérialisation de la feuille de route annoncée par les signataires. Ils mettent en avant les écarts de réflexion en mettant « en garde contre le manque de lucidité et de clairvoyance des protagonistes politiques ». Comme si la clairvoyance avait un seul camp. Sans appel.
Selon nos amis de l’AMI, « une feuille de route constituée de huit points a été établie pour venir à bout, de nombreux maux qui touchent la société. Les parties prenantes notent que les réformes viseront à renforcer la cohésion sociale, la préservation de l’unité nationale, à travers le règlement de tous les dossiers liés aux droits de l’homme. Par la même occasion, ils entendent matérialiser leur volonté de consolider les valeurs et pratiques de la démocratie, en mettant en exergue la nécessité de réformer les institutions de l’État.
Feuille de route:
Déterminées à faire face à ces multiples défis et périls, nous, parties signataires :
1. Réitérons notre indéfectible attachement à la préservation de la stabilité et de la sécurité du pays par l’instauration d’un système fondé sur la justice sociale, l’État de droit et les valeurs démocratiques ;
2. Considérons que la Majorité et l’Opposition constituent les acteurs principaux dans toute démocratie et portent, chacun en ce qui le concerne, la responsabilité politique et morale de tout ce qui pourrait advenir au pays, en raison du manque de lucidité et de clairvoyance des protagonistes politiques ;
3. Décidons, dans ce contexte sensible, de surmonter nos divergences, en vue de servir les intérêts supérieurs du pays et lui éviter les périls auxquels peuvent le soumettre les divisions stériles et destructrices au sein de la classe politique ;
4. Comptons conduire, en urgence, une profonde réflexion sur notre système électoral et, le cas échéant, engager les réformes pertinentes visant à renforcer notre démocratie, afin de dépasser le contexte issu des dernières élections et prévenir tout désaccord électoral à l’avenir ;
5. Exprimons notre commune volonté de procéder aux réformes fondamentales indispensables à la préservation et au renforcement de l’unité nationale, et à l’ancrage des valeurs et pratiques de la démocratie et de l’État de droit. Ces réformes porteront, également, sur la concrétisation de la justice sociale et de la bonne gouvernance ainsi que sur l’amélioration des conditions de vie de nos populations, éprouvées par la crise et les répercussions des conditions résultant de la décennie du pouvoir précédent. Ces réformes seront menées dans un cadre national inclusif et participatif, sous forme d’ateliers, sur la base de la liste des thématiques en annexe au présent Accord, dont elle constitue une partie intégrante ;
6. Annonçons la conclusion du présent Accord pour la création d’une Entente politique, nationale, républicaine et démocratique, dénommée Pacte Républicain, ouverte à tous les partis politiques désireux de s’y joindre pour la réalisation des réformes énumérées ci-haut ;
7. Œuvrerons dans le cadre du Pacte Républicain, à tous les niveaux et par tous les moyens, en vue de conduire notre pays vers davantage d’unité, d’harmonie, de cohésion sociale et, partant, de démocratie, de développement et de prospérité ;
8. Convenons de la mise en place, à compter de la signature du présent Accord, d’un Comité d’Orientation et de Suivi où seront représentées les parties signataires, pour la mise en œuvre de l’Accord, dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de sa date de signature.
Annexe au « Pacte Républicain »
Les réformes évoquées dans le Pacte Républicain s’articulent, notamment, autour des mesures suivantes :
1. Conduire, en urgence, une profonde réflexion sur notre système électoral et, le cas échéant, engager les réformes pertinentes, afin de dépasser le contexte issu des dernières élections, activer les dispositions légales en matière électorale et prévenir tout désaccord électoral à l’avenir ;
2. Mettre en place un mécanisme crédible pour le règlement définitif des dossiers des droits de l’homme et des injustices en suspens, en tenant compte des efforts déployés et des actions entreprises par le passé afin de résoudre ces questions ;
3. Adopter des mesures concrètes visant à traduire, dans les faits, la diversité culturelle du pays dans l’espace public, notamment au niveau des médias, des programmes éducatifs et des événements officiels, en activant le statut constitutionnel de la langue arabe et en reconnaissant la vocation des langues pulaar, soninke et wolof à accéder au statut de langues officielles ;
4. Appliquer de manière stricte le dispositif juridique pénalisant les pratiques esclavagistes et racistes, et les injustices à l’égard des couches marginalisées, ainsi que les discours incitant à la violence, au fanatisme, à l’extrémisme, au racisme et à la haine, et mettre en place un mécanisme national pour la prise en charge des victimes des pratiques sus-évoquées, y compris par l’adoption et la mise en œuvre de politiques nationales efficientes à même de réduire les inégalités sociales, conduisant ainsi à une discrimination positive en faveur de ces groupes ;
5. Appliquer de manière effective le principe de l’égalité des chances entre tous les citoyens du pays, dans tous les domaines et à tous les niveaux, et instaurer l’égalité entre les acteurs économiques devant les services administratifs ;
6. Combattre la hausse des prix par des mesures appropriées de nature à protéger, durablement, le pouvoir d’achat des populations ;
7. Mettre en place un mécanisme efficace de mobilisation nationale pour une réforme foncière visant à soutenir et promouvoir l’agriculture et à renforcer les politiques visant l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire qui constitue un des piliers de la souveraineté et de la sécurité nationales ;
8. Promouvoir la décentralisation et la bonne gouvernance dans les domaines de la gestion des affaires publiques, de l’administration et des finances de l’Etat, en renforçant et en mettant en œuvre, de manière effective, les dispositifs nationaux de lutte contre la corruption ;
9. Appliquer les conclusions des concertations nationales sur la réforme de l’éducation et promouvoir la contribution substantielle de toutes les forces vives de la nation pour assurer le succès de l’école républicaine ;
10. Appliquer les conclusions des concertations nationales sur la réforme de la justice ;
11. Appliquer la stricte séparation entre les emplois politiques et postes techniques et procéder à l’éloignement de l’administration publique du champ politique et des compétitions électorales ;
12. Assurer la promotion des partis politiques afin de leur permettre de s’acquitter de leurs missions constitutionnelles ; réviser et appliquer les textes juridiques et réglementaires qui les régissent ;
13. Assurer la promotion du secteur privé, des collectivités locales, de la société civile, de la presse, des syndicats et pour leur permettre de jouer leur rôle d’acteurs majeurs dans le développement du pays ;
14. Promouvoir l’instauration d’un dialogue durable entre les partenaires sociaux et assurer la protection des droits des travailleurs ;
15. Mettre en place une stratégie nationale intégrée visant à protéger les enfants et les jeunes contre la drogue, la délinquance et la violence, et assurer un traitement adéquat du chômage et du phénomène de la migration des jeunes ;
16. Promouvoir une autonomisation plus accrue des femmes, des jeunes et des personnes aux besoins spécifiques, et veiller à leur insertion dans la vie politique, économique, culturelle et sociale du pays à travers notamment l’adoption et la mise en œuvre de politiques efficientes en matière d’emplois professionnels qualifiants ;
17. Mettre en place un fonds souverain alimenté par les revenus des hydrocarbures pour la promotion du développement économique durable et équilibré du pays et qui préserve les intérêts des générations futures ;
18. Identifier et mobiliser les compétences, expertises et investissements de nos communautés à l’étranger au profit du pays ». Fin de citation.