Des incertitudes planent toujours sur la sécurité au Sahel
Sahel #sécurité
La stabilité au sahel est un sujet d’inquiétude récurent ; Cette région est de nouveau confrontée à des défis sécuritaires majeurs. L’intense recrudescence des attaques djihadistes ces derniers mois au Mali, au Niger et au Burkina et le contexte d’incertitudes politiques créé par la série des récents coups d’état plongent ces pays dans des crises sans précédent sur fond de conflits armés aux conséquences imprévisibles. Profitant du désengagement des forces françaises, du retrait de la Minusma et de la dissolution de la force conjointe du G5 Sahel (volet militaire), ces groupes extrémistes de tout bord lourdement armés tentent à tout prix l’accès aux ressources et le contrôle de nouveaux territoires afin de concrétiser plus d’influence. Une menace donc qui risque d’embraser toute la sous-région si aucune nouvelle initiative incluant tous les pays du sahel ou si une autre dynamique d’envergure n’est entreprise rapidement pour agir à leurs cotés afin de les aider à s’en sortir ; Certainement ils n’y arriveront jamais seuls et la menace est globale.
Ne dit-on pas : Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Cette partie de l’Afrique est sujettes depuis des décennies d’instabilité et d’insécurité permanentes. Cette situation est d’abord la résultante de multiples facteurs endogènes et causes structurelles qui plombent tout effort de redressement.
Une pauvreté endémique et sous-performance économique qui se perpétuent. Classés par les Nations Unies depuis toujours parmi les Pays les Moins Avancées(PMA) ces nations souffrent d’un retard économique considérable accentué par une forte explosion démographique difficile à maitriser en face d’une faible création de richesses. On estime que les populations du Sahel atteindront en 2050 plus de 400 millions d’habitants. Cette fulgurante croissance démographique, de l’avis de tous les experts, freine le rythme de sortie de la pauvreté. Cette corrélation entre le choc démographique et la persistance de la pauvreté chez les pays sous-développés est bien connue des économistes qui la qualifient de « la trappe de la pauvreté » ; une pauvreté difficile à endiguer dans de pareilles conditions donc durable. Cette zone pourtant riche en ressources naturelles et énergétiques demeure tributaire d’une économie rentière souvent exposée à de fortes récessions et génère périodiquement plus d’appauvrissement et d’inflation. Une impasse pour les dirigeants de ces pays qui multiplient des programmes gouvernementaux et explorent de nouveaux paradigmes de développement économiques sans résultat efficient : L’éducation en pâtie, le chômage augmente, absence de création d’emplois de masse et le revenu par tète d’habitant toujours faible. Ces défis structurels auxquels le Sahel fait face sont accrus par la mauvaise gouvernance avec les injustices qui en découlent, les effets du changement climatique qui impactent profondément la résilience des populations et les forts taux de déperdition scolaires enregistrés dans ces pays. A ce lugubre registre viennent s’ajouter les conséquences des mesures restrictives de COVID19, les retombées de la guerre russo-ukrainienne et les récentes sanctions économiques de la CEDEAO (UEMOA- UA) ; comme pour dire : vous n’êtes pas suffisamment éprouvés ; on va vous appauvrir davantage. Une population à forte dominante des jeunes qui ne voient aucune issue à l’horizon n’ont dans ce contexte plus de choix que fuir le pays ou se radicaliser en portant les armes rejoignant les groupes terroristes qui pullulent dans la région. On est arrivé à cette situation extrêmement difficile et extrêmement complexe qui pèsera durement sur toute option de sortie de crise envisageable à l’avenir.
Conflits armés dévastateurs et faible présence des services de l’état dans grandes parties des territoires respectifs de ces différents pays.
On peut dire que cette partie de l’Afrique de l’Ouest est prise dans une spirale de violence interminable et inextricable. Les affrontements entre les forces armées et les groupes armés non-étatiques continuent de dominer l’actualité depuis des décennies. Aucune accalmie ou répit n’a duré plus d’un an. Des terroristes djihadistes très violents sévissent à l’intérieur des territoires et dans les frontières poreuses du Mali, du Niger et du Burkina. La zone dite des trois frontières est particulièrement caractérisée par la faible présence ou l’absence totale de l’autorité des états ouvrant la voie aux nombreux conflits locaux, à la violence communautaire extrême et aux activités illicites de bandes organisées.
Cette grave crise sécuritaire a provoqué une situation humanitaire alarmante ; on comptabilise en quelques années des dizaines de milliers de morts, le déplacement forcé de millions de personnes et une insécurité alimentaire qui s’amplifie jour après jour accroissant la vulnérabilité des populations et causant une débandade générale qui dérange forcément la quiétude voire la stabilité des autres pays riverains de la sous-région et même au-delà. En outre cette situation explosive dans chacun de ces pays risque de dégénérer à tout moment, en effet de domino, on parle à juste titre de dynamiques transnationales : « Le Sahel africain concentre tout un système de conflits qui, à la moindre étincelle, éclatent en chaîne ». Cette situation pèse directement sur la sécurité des pays comme le Benin, le Nigéria, la Cote d’ivoire, le Tchad et sûrement la Mauritanie qui impérativement doivent prendre beaucoup de précautions au niveau de leurs frontières respectives avec cette zone de turbulence à haut risque. La contagion n’est plus qu’une question de temps, la propagation de l’insécurité étant un phénomène d’une célérité inouïe. Le crime organisé s’est déjà fort installé dans cette région avec ses ramifications qui alimentent toute une économie parallèle de l’ombre profitant aux populations riveraines de tous ces pays. L’enracinement du crime organisé transnational dans cette région n’est plus à démontré. Cette gangrène qui a fort contribué à la faillite des états du Sahel va prospérer à la faveur de la dérégulation et de la précarité stratégique si l’on n’agit pas d’urgence pour l’endiguer. On est face à un défit qui nous interpelle tous.
Quelles solutions envisageables ?
Il ressort de toutes les réflexions sur le sujet et compte tenu des réalités évoquées ci-dessus que les Etats du Sahel doivent sans plus tarder s’atteler à la consolidation de l’Etat central se réappropriant tout son territoire de souveraineté, développer l’économie pour lutter contre toutes les formes de précarité et puis et surtout promouvoir une sécurité collective en renforçant la puissance, la capacité opérationnelle et une plus grande coopération des armées régulières de tous les pays de la sous la région. La situation nous dictent également de transcender les divergences, les égoïsmes et autres antagonistes qui ne se justifient plus à l’ère où les grands ensembles se construisent pour atteindre des objectifs stratégiques de prospérité. Dans ce cadre de recherche de solutions notons que la Mauritanie a réussi à contenir le terrorisme grâce à son approche militaro-sécuritaire combinée à une démarche politique axée sur le développement. Cette expérience peut être reproduite dans la sous-région comme l’a rappelé l’artisan de première heure de cette stratégie alors CEMGA, son excellence Monsieur le Président de la République Mohamed Ould Cheikh Ghazouani lors de son discours prononcé à l’ouverture de la troisième édition de la conférence africaine pour la promotion de la paix, organisée le 17 janvier 2023 à Nouakchott :
« Face à la complexité du phénomène de l’extrémisme et du terrorisme du fait de l’imbrication de ses multiples facteurs, la République islamique de Mauritanie a adopté, pour y faire face, une approche intégrée et globale qui ne se limitait pas à la seule dimension militaire et de développement, mais englobait également la dimension idéologique qui est au centre de la structure générale de ce phénomène, car l’extrémisme des idées est dans la plupart des cas à l’origine de l’extrémisme et de la violence dans les actes ».
Ex Officier Haroun ould Rabani [email protected]