Le dilemme doré de la Mauritanie: profits capitalistes, frustrations locales…Par Costantino Demoro

En 2024, la multinationale canadienne Kinross Gold a extrait plus de 622 000 onces d’or de sa mine de Tasiast en Mauritanie, contribuant à une année record : 1,73 milliard de dollars de chiffre d’affaires trimestriel, 650 millions de dollars de flux de trésorerie libre et une marge record de 2 204 dollars par once. Pourtant, le retour économique pour la Mauritanie semble modeste en comparaison. Les redevances — plafonnées entre 3 % et 6,5 % uniquement lorsque le prix de l’or dépasse 1 800 $/once — et les impôts sur les sociétés ont rapporté environ 120 à 150 millions de dollars à l’État. À cela s’ajoutent environ 100 à 150 millions de dollars en salaires, rémunérations et achats locaux, ainsi que 50 à 70 millions de dollars d’investissements en infrastructures (routes, énergie, logistique), portant le total des retombées à près de 300 à 370 millions de dollars par an.
Kinross engrange des milliards, la Mauritanie récolte des miettes
Bien que cette somme puisse sembler modeste au premier abord, elle représente en réalité un poids considérable : près de 4 à 5 % du PIB mauritanien, estimé à environ 9,2 milliards de dollars en 2024 — un apport majeur pour l’économie nationale. Les critiques dénoncent la part disproportionnée des bénéfices, les exonérations fiscales accordées à Kinross, ainsi qu’un faible taux de « mauritanisation » de la main-d’œuvre locale, révélant une structure inégalitaire. D’autres rappellent cependant que Kinross a supporté l’intégralité du risque initial, avec plus de 1 milliard de dollars investis, et ne commence que récemment à récupérer ses coûts.
La question centrale demeure : la Mauritanie aurait-elle soutenu la mine si les prix de l’or avaient chuté au lieu de grimper ? Cette asymétrie entre risque et récompense reflète un enjeu plus profond — la tension entre souveraineté nationale et économie extractive globale.